Le ministre de la Santé du Québec, Réjean Hébert, est un médecin, de surcroît un gériatre. Il était donc prévisible que le vieillissement et la santé des aînés soient une priorité pour lui, ce qu'il a manifesté la semaine dernière en rendant public son livre blanc sur la création d'une caisse d'assurance autonomie.

Autorité en la matière, M. Hébert propose un virage dans la prise en charge de la santé des aînés, et surtout pour ce qui menace un grand nombre d'entre eux, la perte d'autonomie. On doit souscrire à cette vision de mettre plus d'énergie, plus d'emphase et plus d'argent dans le maintien à domicile. On améliorera ainsi leur état de santé, leur confort et leur bien-être, tout en privilégiant une approche qui est moins coûteuse. Ce serait un non-sens de ne pas miser beaucoup plus que nous le faisons actuellement sur une approche qui concilie le médical, l'humain et l'économique.

Ce livre blanc a aussi le mérite d'amorcer une réflexion collective sur les impacts du vieillissement de la population sur les coûts de santé. L'enjeu est considérable parce que c'est au Québec que la population vieillit le plus vite au monde, après le Japon. Il faudra 30 ans pour que la proportion des 65 ans et plus double, tandis que cela prendra 51 ans au Canada ou 67 ans en Suède. Pourquoi?

C'est le résultat de notre double record démographique, une fécondité très forte dans les années cinquante suivie d'une fécondité très faible les décennies suivantes, qui nous laisse avec une génération du baby-boom plus lourde et moins de jeunes pour les soutenir.

Face à cet enjeu majeur, nous avons tendance à réagir par le déni, comme nous le faisons pour un problème lié, l'insuffisance des revenus de retraite prévisible d'un grand nombre de citoyens.

Ce déni repose aussi sur une croyance fausse, que les problèmes qui surviendront plus tard pourront être pris en charge par l'État. C'est faux. Les ressources actuelles pour la perte d'autonomie et les soins à domicile sont déjà insuffisantes, et l'État, pris à la gorge, pourra encore moins faire face à l'explosion prévisible des besoins.

Comme l'a dit la première ministre Pauline Marois, il faudra payer. Mais comment? Le livre blanc est construit comme un entonnoir. Il prône la création d'une assurance autonomie, ce sur quoi il ne laisse pas beaucoup de place à la discussion. Il privilégie clairement la création d'une caisse pour la financer, sans se prononcer sur la façon dont cette caisse sera alimentée.

Et cela mène à une ponction fiscale, qui s'ajoutera à une longue série de ponctions additionnelles imposées chaque fois qu'on a voulu élargir le filet de sécurité sociale: garderies, médicaments, assurance parentale, en plus de la contribution santé. Le rapport D'Amours propose un autre régime de retraite pour les 75 ans et plus. Et dans tous les cas, il y a une loi immuable: ça coûtera plus cher que prévu.

Il y a toutefois un élément dans la logique du ministre qui mérite considération, l'équité intergénérationnelle. Une caisse pourrait permettre d'éviter d'imposer le fardeau aux générations qui suivent, par exemple en faisant payer les 50 ans et plus ou en exigeant davantage des 65 ans et plus.

Mais doit-on renforcer la culture du mur-à-mur sur lequel repose notre système de santé? Oui, il faudra payer. Mais il y a plusieurs autres façons d'y parvenir, par exemple en valorisant la responsabilité personnelle, en encourageant l'épargne, ou en misant sur des systèmes d'assurance hybrides, comme on le fait avec succès pour les médicaments. C'est de tout cela aussi qu'il faudra parler dans le débat public que le gouvernement veut amorcer.