Moins de 10% d'intentions de vote, un misérable score de 7% dans la catégorie «meilleur premier ministre» et un taux d'insatisfaction de 72%... Le portrait brossé dans notre plus récent sondage CROP est plutôt glauque pour les conservateurs de Stephen Harper, mais la bonne nouvelle, c'est qu'ils peuvent difficilement descendre plus bas.

Depuis deux ans, les conservateurs ont démontré qu'on peut former un gouvernement et diriger le pays sans l'appui du Québec. La question est de savoir si les conservateurs pourront se maintenir au pouvoir en étant à ce point marginalisés au Québec maintenant que les libéraux semblent redevenir un véritable parti national, et une véritable solution de rechange, depuis l'arrivée de Justin Trudeau.

Les conservateurs sont dans un état de déconnexion rarement vu au Québec. Jusqu'à maintenant, cela n'a pas semblé inquiéter le reste du pays outre mesure. Ni les conservateurs, d'ailleurs.

Au contraire, dans leurs pubs anti-Trudeau, ils insistent pour déformer un passage, faisant dire au nouveau chef libéral que les Québécois sont meilleurs, cherchant à dresser le ROC contre le Québec. Cela, de toute évidence, n'a pas fonctionné.

Les questions d'unité nationale et les relations Ottawa-Québec-ROC n'émeuvent plus grand monde au Canada, mais la remontée spectaculaire du PLC de Justin Trudeau au Québec semble faire tache d'huile ailleurs, au détriment des conservateurs et du NPD. Au Québec, en outre, le Bloc reste faible, victime lui aussi de la résurrection des libéraux.

Le plus surprenant, c'est que le nouveau chef libéral n'a pratiquement rien fait pour grimper ainsi dans les sondages. Depuis son élection à la tête du PLC, il y a un peu plus d'un mois, Justin Trudeau a été plutôt discret (il était même en vacances hors du pays la semaine dernière lorsqu'a éclaté l'affaire Duffy-Wright). «Pas besoin d'en rajouter, les conservateurs se coulent eux-mêmes», m'a dit un conseiller de M. Trudeau cette semaine. Il n'a pas tort, et les sondages lui donnent raison.

Un nouveau sondage pancanadien Forum publié hier par le National Post accorde 44% au PLC, 27% aux conservateurs et 20% au NPD. Il va sans dire qu'un tel score place les libéraux en territoire (théorique, pour le moment) majoritaire.

Le jeune chef du PLC, cible de publicités négatives des conservateurs, a, par ailleurs, décidé de ne pas combattre le feu par le feu, préférant l'approche positive. Là encore, les derniers événements semblent lui donner raison. Un mois seulement après l'élection de Justin Trudeau à la direction du PLC, il est trop tôt pour tirer des conclusions définitives (d'autant que les conservateurs ont certainement gardé des munitions), mais pour le moment, les premières salves des publicités négatives ont raté leur cible. Ça aussi, ça devrait inquiéter les conservateurs...

Et le OUI dans tout ça?

Scandale au Sénat, camouflage et démissions spectaculaires; mesures environnementales controversées; retour périodique à l'avant-scène d'enjeux sociaux comme l'avortement; dévotion à la monarchie britannique; compressions en culture et en recherche; politique étrangère impopulaire, les raisons expliquant le fossé entre le Québec et le gouvernement Harper sont très nombreuses.

Normalement, on s'attendrait à un effet tonifiant pour l'option souverainiste. Et pourtant, c'est tout le contraire. Le Parti québécois au pouvoir descend et son option stagne autour de 35% depuis des mois.

Honnis il y a quelques mois à peine, les libéraux remontent, occupant depuis quelque temps le premier rang dans les intentions de vote. Pourtant, comme Justin Trudeau, le chef du PLQ, Philippe Couillard, n'a pas fait grand-chose, disparaissant même parfois pendant des jours de l'écran radar médiatique (contrairement à François Legault, qui, lui, s'agite comme un diable dans l'eau bénite).

Pour M. Couillard comme pour M. Trudeau, il est inutile de forcer le jeu puisque l'adversaire s'emploie avec zèle à compter dans son propre but.

Les derniers chiffres sont vraiment inquiétants pour les péquistes qui, contrairement aux conservateurs, ne peuvent expliquer leurs déboires par l'usure du pouvoir. Autre différence notable: le gouvernement Marois est minoritaire, les risques liés aux mauvais sondages ne sont donc pas que théoriques.

Près de neuf mois après son arrivée au pouvoir, le gouvernement Marois n'inspire ni satisfaction ni confiance et il donne l'inquiétante impression de naviguer à vue dans la purée de pois.

On l'a vu encore une fois, cette semaine, avec le report dans le désordre de deux projets phares du gouvernement: la révision de la loi 101 et le dépôt d'une charte de la laïcité (qui a d'ailleurs changé de nom pour Charte des valeurs québécoises...).

Récemment, dans l'entourage de Pauline Marois, on admettait que tout ne tourne pas rond. On me disait toutefois vouloir se relancer avant l'ajournement estival en annonçant en grande pompe la politique de souveraineté alimentaire du Québec.

Cette initiative a été lancée la semaine dernière à Baie-Saint-Paul, en même temps que l'annonce de la candidature de Denis Coderre à la mairie de Montréal. L'affaire (permettez la métaphore alimentaire) est un peu passée dans le beurre.

Philippe Couillard peut poursuivre tranquillement sa tournée québécoise...