Est-ce que le gouvernement péquiste a quelque chose contre les recteurs d'université? Des comptes à régler? C'est ce qu'on peut croire. Depuis la prise du pouvoir par Mme Marois, son gouvernement et son ministre Pierre Duchesne ont fait preuve d'une attitude qui ressemble à de l'acharnement contre les directions universitaires.    

Le dernier épisode de cette vendetta est mineur. Il force les universités à faire approuver par le gouvernement les hausses de rémunération des hautes directions universitaires. Quand on la regarde de plus près, cette mesure n'aura pas beaucoup d'impact. Mais les messages sont bien là: les recteurs commettent des abus, ils sont dans le collimateur du gouvernement, il faut les mettre au pas.

Tout cela s'inscrit dans un pattern. Ça a commencé par la façon indéfendable dont le ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie a remis en doute l'existence même d'un sous-financement universitaire. Ensuite, les compressions brutales aux universités. Et enfin, le Sommet sur l'enseignement supérieur qui s'est souvent transformé en tribunal d'inquisition dont les directions universitaires étaient les accusés.

Cette dynamique pouvait s'expliquer en partie par le contexte politique, où le gouvernement Marois voulait mener à bien son sommet sur l'éducation supérieure dont le but premier était de désamorcer la crise étudiante. Ce sommet a été un succès relatif, si on appelle succès le fait que le gouvernement ait dit oui à presque tout ce que les étudiants demandaient et ait repris à son compte leur vision des choses.

Mais cette opération politique a eu un coût. Elle a affaibli financièrement les universités, elle a donné de la crédibilité à la lecture assez grossière des associations étudiantes sur le financement et la gestion des universités, elle a nourri les préjugés d'une population qui n'a pas d'affections particulières pour le réseau universitaire. Tout cela n'affecte pas que les recteurs, mais les institutions dans leur ensemble.

On aurait pu s'attendre qu'après le sommet, M. Duchesne déclutche un peu. Mais non. Il revient à la charge sur la rémunération des recteurs avec le même simplisme populiste et la même tendance à reprendre l'argumentaire étudiant. On pouvait comprendre que les leaders étudiants, dans une logique militante, aient dénoncé les recteurs et leurs gros salaires. Mais Pierre Duchesne ne dirige pas la FEUQ, il est ministre.

Il faut toutefois noter que sa mesure, l'obligation pour les universités de faire approuver les changements à la rémunération des dirigeants par le gouvernement et de respecter les hausses permises par la politique salariale de l'État, ne changera pas grand-chose. D'abord parce que le gouvernement fixe déjà les salaires dans le réseau de l'Université du Québec. Ensuite, parce que cela ne fait qu'encadrer les hausses futures, ce qui revient dans les faits à accepter la situation actuelle que l'on dit troublante. Mais cette mesure comporte des messages.

Premièrement, elle réduit encore un peu l'autonomie des universités, qui ont pourtant déjà un chien de garde à travers leurs conseils d'administration. Cette autonomie est importante, parce que c'est elle qui permet l'indépendance et la diversité de nos universités.

Deuxièmement, l'intervention du ministre semble reposer sur des impressions plutôt que sur une base factuelle. On peut manifester une indignation populiste à l'égard des gros salaires, mais une comparaison des rémunérations montre que le salaire de nos recteurs est loin de ceux qui se donnent ailleurs au Canada.

Troisièmement, ce sont les grosses universités que Québec veut contrôler, là où les salaires sont plus élevés, notamment parce qu'elles ne sont pas dans le même réseau. On sent dans tout cet émoi un égalitarisme rampant, le rêve que toutes les universités soient pareilles.