Malgré la manifestation turbulente de l'après-midi, le Sommet sur l'enseignement supérieur constitue une grande réussite pour le gouvernement de Pauline Marois. Pas de portes claquées, pas de débats houleux. Par son habileté politique, la première ministre a confondu les observateurs qui annonçaient un fiasco.

Au lieu de rechercher un impossible consensus sur plusieurs questions complexes et délicates, le gouvernement a lancé cinq chantiers où les discussions pourront se poursuivre pendant plusieurs mois, dans l'indifférence totale des journalistes et de la population.

L'engagement d'augmenter les subventions aux universités de 800 millions d'ici 2018-2019 a évidemment été accueilli avec scepticisme par les recteurs, mais que pouvaient-ils faire de plus que d'avaler la pilule et croiser les doigts?

Accusé d'avoir tout cédé aux associations étudiantes, le gouvernement ne pouvait pas se permettre de reculer sur l'indexation. Les représentants étudiants ont maugréé, mais ils n'ont plus l'influence du printemps dernier; leurs membres sont démobilisés, leurs alliés syndicaux ne veulent pas partir en guerre contre le PQ. Les leaders étudiants savent aussi qu'ils ont obtenu 90% de ce qu'ils voulaient: non seulement la part des étudiants dans les revenus des universités restera-t-elle de seulement 13%, mais plusieurs de leurs revendications relatives à la gestion des universités feront l'objet des travaux des chantiers.

Ce Sommet sur l'enseignement supérieur met donc un terme à la crise étudiante. Les Québécois se réjouiront de ce retour à la paix sociale et en seront reconnaissants au gouvernement Marois. Il faut rappeler, toutefois, que le Parti québécois a lui-même mis de l'huile sur le feu qu'il éteint aujourd'hui. De plus, cette paix sociale est acquise à fort prix.

La hausse des droits de scolarité décidée par l'ancien gouvernement visait non seulement à augmenter les ressources des universités, mais aussi à rendre celles-ci un peu moins dépendantes des aléas des finances publiques. En indexant les droits, le gouvernement péquiste ramène les universités au statu quo ante, le gros de leurs revenus venant de l'État québécois. Le réinvestissement promis dépendra entièrement des décisions du gouvernement du jour; les compressions imposées ces jours-ci illustrent la fragilité d'une telle promesse.

Nos universités risquent de voir se creuser encore leur déficit de ressources relativement à leurs concurrentes nord-américaines. Pendant ce temps, elles devront consacrer leurs énergies aux chantiers où l'on discutera du contenu d'une «loi-cadre», du mandat d'un «conseil national des universités» et de la composition de leurs conseils d'administration.

Triomphe politique pour le gouvernement, donc, que ce sommet. Cependant, sur l'essentiel, le sous-financement des universités québécoises, rien n'est réglé.