Ce sont deux films québécois très différents qui se sont rendus à la cérémonie des Oscars, hier soir. Ils n'ont pas gagné de statuette, mais ils ont gagné notre admiration, notre affection.

Rebelle, de Kim Nguyen, nous fait voir une réalité cruelle qui est à mille lieues - géographiquement, culturellement - de la nôtre. Henry, de Yan England, dépeint une maladie, un désarroi que beaucoup de gens d'ici et d'ailleurs connaissent trop bien.

Nguyen a filmé la tragédie des enfants-soldats avec sobriété, retenue. Maculer la pellicule de sang aurait dégoûté sans émouvoir davantage. On trouvait la même retenue dans Incendies. Y aurait-il une approche québécoise de l'horreur?

Tout comme les enfants, le spectateur n'a aucune idée des motifs des rebelles. Ils se battent contre «le gouvernement»; on n'en sait pas plus. Le sacrifice des enfants en est rendu plus insensé encore: «Je ne sais pas si le Bon Dieu va me donner assez la force pour t'aimer.»

Il y a la même sobriété, beaucoup de tendresse aussi, dans Henry. La démence entraîne la déchéance physique. England a choisi d'insister sur un déclin moins visible mais tout aussi humiliant, le dérèglement de la mémoire: «Est-ce que j'ai été un homme bon?» On a beaucoup vanté, avec raison, les mérites de la jeune star de Rebelle, Rachel Mwanza. On n'a pas assez dit que Gérard Poirier, dans le rôle d'Henry, est excellent, comme toujours.

Ces deux films confirment l'universalité du cinéma québécois d'aujourd'hui. Comme la société dont il est issu, ce cinéma est désormais tourné vers l'humain, où qu'il se trouve, dans sa tragédie, dans sa beauté. C'est le cinéma d'une culture mature, peu inquiète du péril que feraient peser les mots «pasta» et «on/off» sur son avenir...

On a beaucoup parlé, ces dernières semaines, d'une «crise» du cinéma québécois. Ce diagnostic excessif a été rendu à la suite d'une année 2012 maigre en succès populaires. Pourtant, il saute aux yeux - nous l'avons déjà dit ici - qu'il n'y a pas crise du tout. Les films qui devaient attirer les foules ont déçu; cela arrive régulièrement aux produits de Hollywood.

Néanmoins, nos cinéastes continuent de réaliser des films d'une grande qualité, dans tous les genres. Rebelle et Henry en sont la preuve, tout comme Vic et Flo ont vu un ours (primé à Berlin) et Inch'Allah (mention spéciale).

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Bien qu'on en parle peu ici - le chauvinisme n'est pas mort, quand même - il n'y a pas qu'au Québec qu'on trouve, au pays, d'excellents artisans du cinéma. Soulignons le travail du compositeur torontois Mychael Danna (The Life of Pi). Notons aussi celui du documentariste Ariel Nasr, né à Halifax et habitant Montréal, producteur d'un autre beau film en nomination pour le meilleur court métrage, Buzkashi Boys. Nasr oeuvre au sein de l'Afghan Film Project, qui veut mieux faire comprendre l'Afghanistan aux Occidentaux et soutenir le développement du cinéma afghan. Une belle idée.