Ce fut le discours d'un homme dont la principale préoccupation n'est plus la petite politique. Certes, ça a été le cas de la plupart des présidents des États-Unis d'Amérique abordant un second mandat. Les plus grands d'entre eux contemplaient à ce moment l'Histoire et ce qu'elle retiendra d'eux.

Barack Obama s'est placé parmi ceux-là, peut-être même de façon plus audacieuse encore.

Il a en effet déposé sur la table non pas ce qui unit la nation, ce qui aurait été facile, mais ce qui la divise. Les droits des minorités. L'immigration. La solidarité sociale. L'égalité des chances dans la poursuite du bonheur. Les obligations envers la planète. Le rapport des États-Unis au monde. Ce dont est fait la dignité, en somme.

Le président a utilisé à moult reprises l'expression «We, the people», si présente dans la mémoire américaine. C'était évidemment à dessein, en un significatif retour aux sources.

Son discours d'assermentation était à peine terminé qu'on l'a comparé aux testaments politiques d'Abraham Lincoln, pour la vision; de Franklin D. Roosevelt, pour la solidarité; de John F. Kennedy, pour le sens du devoir; de Martin Luther King, pour l'égalité et la dignité. C'est vraiment beaucoup pour un seul homme et un seul discours! Cependant, il y avait bel et bien de tout cela, livré de façon moins spectaculaire que ce dont Obama est capable, mais de façon plus posée et réfléchie. Plus transcendante.

C'est ce qu'il convenait de faire.

Hier, en effet, sur la grande place de Washington et sous le dôme du Capitole, on a pu voir pendant des heures le meilleur de ce qu'a à offrir la nation américaine. Momentanément, on a pu oublier le pire, dont fait notamment partie le glissement des praticiens de la petite politique - et d'une partie de la population avec eux - vers ce qu'on pourrait appeler la sarahpalinisation du discours public. C'est-à-dire: la débilitation du Parti républicain; le nouveau populisme vindicatif, la promotion de l'ignorance, le retour de la superstition ou même d'étonnants naufrages de la raison, comme celui de la National Rifle Association depuis Newtown.

Il serait incongru de traiter ici de ce phénomène s'il n'était à redouter qu'un jour, les historiens considèrent les années Obama comme ayant été surtout marquées, objectivement, par ces dérives.

Ce serait extraordinairement injuste. Mais qu'est-ce que le président peut y faire?

Ajouter à ses fonctions celle d'éducateur en chef, peut-être. Abandonner ses fantasmes de collaboration bipartisane et «déclarer la guerre aux républicains [...] en instillant chez eux la peur d'être dorénavant définis par leurs éléments les plus extrêmes», conseille le journaliste et auteur John Dickerson (dans Slate).

Réhabiliter la vie politique américaine n'est peut-être pas le projet le plus excitant pour un homme comme Barack Obama. Mais c'est peut-être, aujourd'hui, le plus nécessaire.