Gabriel Nadeau-Dubois a été reconnu coupable d'outrage au tribunal pour avoir affirmé qu'il était légitime de dresser des lignes de piquetage pour empêcher des étudiants d'avoir accès à leurs cours, et donc pour avoir incité à défier des injonctions qui l'interdisaient.

Tout ça est bien loin, maintenant. Les étudiants sont retournés à l'école, le PQ a pris le pouvoir et aboli les hausses des droits de scolarité qui avaient provoqué le mouvement. Les casseroles sont de nouveau rangées dans les cuisines.

L'élément le plus troublant de ce «printemps érable», c'est que bien des jeunes, avec l'appui plus ou moins tacite d'adultes séduits par la rue et par les charmes de la démocratie directe, ont oublié ce qu'était une démocratie. Nous vivons dans un État de droit, qui ne peut pas fonctionner sans ses lois, sans le respect de ses lois, et sans le respect des institutions qui sont les gardiennes des lois, les tribunaux.

Dans le cas qui nous occupe, un étudiant, Jean-François Morasse, avait fait appel aux tribunaux pour avoir accès à ses cours en arts plastiques à l'Université Laval, bloqués par des lignes de piquetage érigés par l'association de son département, affiliée à la CLASSE.

L'étudiant a obtenu une injonction, renouvelée par le juge Jean-François Émond. Celui-ci a rejeté l'argumentaire de l'association étudiante qui reposait sur un parallèle avec le Code du travail, et conclu que le droit de grève étudiant ne trouve aucune assise dans les lois, et que ceux qui participent à un boycottage ne peuvent empêcher d'autres de suivre leurs cours.

On pouvait déplorer le fait que certains étudiants aient recours aux tribunaux. Ou que les associations étudiantes ne jouissent pas d'un statut assez étendu. Mais dans un État de droit, on respecte une injonction. Et quand on ne le fait pas, ça s'appelle un outrage au tribunal, ce qui ne décrit pas un manque de respect envers un juge, mais une remise en cause de la primauté du droit.

Cette semaine, le juge Denis Jacques a conclu que Gabriel Nadeau-Dubois a incité à défier cette injonction. À une question précise à RDI, «est-ce que vous invitez toujours les grévistes à ériger des piquets de grève pour empêcher les étudiants d'entrer» quand «il y a des injonctions un peu partout dans certains cégeps», il a répondu: «Nous, on trouve ça tout à fait légitime, là, que les gens prennent les moyens nécessaires pour faire respecter le vote de grève, et si ça prend des lignes de piquetage, on croit que c'est un moyen tout à fait légitime de le faire».

Le sens de ses propos est d'autant plus clair qu'à la même question, comme le note le juge Jacques, l'autre leader étudiant, Léo Bureau-Blouin, maintenant député, disait clairement: «C'est sûr que nous, on a invité les étudiants, par exemple, à respecter les injonctions.»

Gabriel Nadeau-Dubois fera évidemment appel de ce jugement qu'il a décrit comme «un précédent dangereux qui ferait en sorte que dorénavant les porte-parole du mouvement étudiant, du mouvement syndical ou de l'ensemble des citoyens aient peur de parler par crainte de se retrouver en prison.»

Voilà une remarque assez stupide, quand on sait que personne ne l'a jamais empêché de s'exprimer. Ce qu'on lui reproche, ce n'est pas d'avoir parlé, mais d'avoir incité des gens à ne pas respecter la décision d'un tribunal, quand il disposait d'une foule d'autres façons de faire valoir ses idées.

Mais la réaction de Nadeau-Dubois n'a rien d'étonnant. C'était un leader d'un mouvement radical, la CLASSE, ce qu'on a oublié quand on l'a transformé en vedette de la télé. Sa réaction grandiloquente, c'est celle d'un militant.