Lors du sommet de Kinshasa, un déplacement majeur sur l'échiquier de la francophonie a été effectué par le Qatar. Le minuscule mais richissime pays du Golfe a en effet accédé directement au statut de membre associé de l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) sans passer par la case «observateur», étape habituelle d'entrée dans ce club.

Si le jeu a été discret, il n'en est pas moins emblématique. Et il a été remarqué par les critiques de l'OIF.

Il s'agit de ceux qui déplorent le fait que l'usage du français n'est plus depuis longtemps un critère d'admission dans ce cénacle. Ceux qui regrettent que beaucoup d'États membres ne passent le test ni de la démocratie ni des droits (ce dont s'est offusqué, hier, le premier ministre Stephen Harper). Ceux qui notent que ces sommets sont essentiellement des buffets offrant aide au développement, occasions d'affaires, pouvoir surtout symbolique au plan international.

Ce qui ramène au Qatar.

Ancien protectorat britannique, allié des Américains, on n'y parle pas français. L'État qatari n'est pas démocratique, les droits et libertés étant à peu près limités à ce que permet la charia. Enfin, sa présence à l'OIF lui servira à consolider ses entrées en Afrique tout en huilant la mécanique de ses relations avec la France, inquiète notamment des interventions directes de l'émirat dans ses banlieues «sensibles» abonnées à Al-Jazeera...

Mais n'accablons pas la diplomatie qatarie. Son cas aura surtout servi, ici, à illustrer les problèmes structuraux d'une organisation occupée à «jouer à l'ONU», comme l'a dit un jour un participant.

Ce qu'elle a continué à faire en ce 14e Sommet qui s'est achevé, hier.

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Ayant quitté la République démocratique du Congo, la délégation québécoise se trouve aujourd'hui à Paris. Là se jouera la partie vraiment importante - beaucoup plus importante que les amuse-gueules du buffet de Kinshasa! - pour le gouvernement de Pauline Marois.

La première ministre doit en effet rencontrer le président de la République, François Hollande. Et il est clair qu'elle attend de lui «le mot». C'est-à-dire: une répudiation des vues de Nicolas Sarkozy sur le contentieux canado-québécois et un retour à la neutralité bienveillante que l'ingénieuse expression «non-ingérence, mais non-indifférence» a historiquement servi à décrire.

Cependant, l'Affaire, avec une majuscule, a vieilli.

Aujourd'hui, en effet, comment évalue-t-on à l'Élysée l'opportunité de faire un clin d'oeil à un gouvernement indépendantiste élu de justesse, minoritaire, donc peut-être éphémère? Et ce, après deux verdicts référendaires négatifs et, au sein de la population, une mise en veilleuse de la flamme souverainiste perceptible même à 5000 kilomètres?

Ce sera intéressant à suivre pour qui goûte les subtilités de la phraséologie diplomatique. Pour les autres, ce sera aussi excitant qu'un... sommet francophone.