Depuis une dizaine d'années, il y a un consensus au sein de la classe politique québécoise: nos universités sont sous-financées par rapport à leurs concurrentes du reste du Canada. C'est pourquoi on s'étonne de lire que le nouveau ministre de l'Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, exprime des doutes sur l'existence de ce sous-financement.

«On a entendu des acteurs qui parlent de sous-financement du milieu universitaire. D'autres acteurs disent que ce n'est pas le cas. Il va falloir avoir des statistiques, des études, moi j'ai dit on va tout entendre, a dit M. Duchesne à notre collègue Pascale Breton. Ça va être discuté, la question du sous-financement, oui ou non, si elles le sont ou pas.»

Dans un monde où, comme l'a souligné récemment la première ministre, «le Québec doit se démarquer encore davantage par son esprit d'innovation et d'avancement du savoir», le scepticisme de M. Duchesne est troublant. Si le ministre de l'Enseignement supérieur n'est pas convaincu qu'il faut investir davantage dans la formation universitaire, qui le sera?

Bien sûr, on ne doit pas accepter pour vérité absolue toutes les revendications des universités. Certes, il faut s'assurer que leur gestion est rigoureuse. Cela dit, les recteurs (CREPUQ) documentent depuis 2002 le sous-financement des établissements qu'ils dirigent. Ce sous-financement a été constaté par de nombreux intervenants, notamment les associations étudiantes et les partis politiques. Dans le programme qu'il a adopté l'an dernier, le Parti québécois s'engageait à «réinvestir de façon significative dans l'éducation supérieure».

Et pour cause. La concurrence entre les universités pour attirer les meilleurs professeurs, les étudiants les plus prometteurs et les fonds de recherche les plus imposants est plus vive que jamais et se livre à l'échelle de la planète. La plus récente version du palmarès des 400 meilleures universités du monde, publiée par le Times, indique que les universités des pays émergents sont de plus en plus compétitives grâce à des investissements publics massifs. Dans ce contexte, le Québec ne peut tout simplement pas se permettre de négliger ses établissements d'enseignement supérieur.

Le gouvernement Charest avait présenté un plan d'investissements supplémentaires de 440 millions par année dans les universités d'ici 2016-2017. La moitié de cette somme devait provenir de la hausse des droits de scolarité. Celle-ci ayant été annulée, les établissements ne peuvent plus compter que sur les fonds du gouvernement. Les propos de M. Duchesne sur le sujet ne sont pas de nature à les encourager.

Hier, le ministre se réjouissait du fait que le calme est revenu sur les campus. Fort bien. Mais si la crise étudiante du printemps dernier a pour résultat la stagnation du financement des universités, cette paix aura été trop cher achetée.