La Caisse de dépôt et placement du Québec n'a pas attendu les résultats de l'élection du gouvernement péquiste pour renforcer sa position dans RONA, fleuron québécois de la quincaillerie canadienne convoité par le géant américain Lowe's.

Lors des deux séances boursières (30 et 31 août) qui ont précédé le retour au pouvoir du PQ, la Caisse a fait l'acquisition d'un bloc additionnel de 285 700 actions de RONA, au coût moyen de 12,75$, pour un débours total de 3,6 millions de dollars.

La Caisse détient maintenant un bloc de 17,5 millions d'actions de RONA, soit 14,4% des actions en circulation. L'institution québécoise est redevenue initiée de RONA en décembre dernier, juste avant le dépôt d'une précédente offre amicale de la part de Lowe's. Depuis décembre, la Caisse a multiplié les transactions d'achat d'actions de RONA, plus particulièrement en mai, juin et juillet. Elle a acquis au total 6,2 millions d'actions de RONA, dont 2,4 millions d'actions lors de la seule séance boursière du 31 juillet.

C'est juste avant l'ouverture de cette séance que RONA avait dévoilé l'offre déposée par Lowe's le 8 juillet précédent. Il s'agissait d'une «proposition non contraignante et non sollicitée» qui visait l'acquisition de la totalité des actions de RONA au prix de 14,50$, pour une valeur globale de 1,8 milliard de dollars.

La tentative d'OPA (offre publique d'achat) sur RONA a ravivé la fibre nationaliste non seulement chez les péquistes, mais également chez les caquistes et les libéraux. Les trois partis se sont prononcés en faveur d'une lutte sans merci ou presque pour protéger RONA contre une mainmise étrangère.

On veut éviter le départ d'un autre siège social. Lors des 10 dernières années, plusieurs sièges sociaux d'entreprises québécoises ont foutu le camp du Québec. Pensons entre autres à Alcan (Rio Tinto), Molson, Cambior, Sico, Bauer, Bourse de Montréal, Domtar, Vachon, Van Houtte, AbitibiConsolidated. Précédemment, le Québec avait notamment perdu un joueur-clé du secteur de l'alimentation, soit Provigo.

Avec le retour au pouvoir du Parti québécois, la Caisse de dépôt et placement du Québec est appelée à redevenir plus pro-Québec dans ses placements. Bien qu'il soit minoritaire, le nouveau gouvernement de Pauline Marois n'aura aucune difficulté à faire de la Caisse un investisseur davantage engagé dans l'entrepreneuriat québécois.

Pourquoi? Parce que le deuxième parti d'opposition, soit le CAQ de François Legault, souhaite également de voir la Caisse investir davantage dans l'économie québécoise.

Que les entreprises étrangères, et même les entreprises canadiennes qui ont leur siège social à l'extérieur du Québec, se le tiennent pour dit: le gouvernement Marois, avec l'appui de l'opposition caquiste de Legault, devrait mettre en place un ambitieux plan de défense pour protéger les entreprises québécoises contre les tentatives d'OPA.

«La perte d'un autre siège social au Québec entraînerait de lourdes conséquences, avait lancé le candidat péquiste Nicolas Marceau, à propos de la tentative d'OPA de Lowe's sur RONA. Il est pressant de reprendre le contrôle de notre économie et de nos entreprises pour éviter qu'elles se transforment en succursales.»

Lors de la campagne électorale, Pauline Marois a pris l'engagement de «recentrer la mission» de la Caisse de dépôt et placement pour qu'elle «redevienne un instrument de développement d'envergure» visant à soutenir l'économie québécoise.

«Pour ce faire, a-t-elle précisé, un fonds d'investissement stratégique de 10 milliards sera mis en place. Sa mission sera de protéger nos entreprises contre les prises de contrôle par des compagnies étrangères et de stimuler l'émergence et la croissance de secteurs clés au Québec.»

Parole de Pauline Marois, «nous devons agir avec force. En rétablissant la mission de développement économique de la Caisse au Québec, nous pourrons reprendre le contrôle de notre développement et rester maîtres chez nous».

Ce fonds de 10 milliards permettrait d'augmenter de près de 25% les investissements de la Caisse au Québec.

Qu'un gouvernement Marois investisse davantage dans les entreprises québécoises par l'entreprise d'Investissement Québec, des deux fonds de travailleurs (FTQ et CSN), de Capital régional et coopératif Desjardins... c'est une stratégie pro-Québec qui se défend fort bien par elle-même.

Mais est-ce le rôle de la Caisse de servir de bouclier contre les sociétés étrangères qui désirent faire l'acquisition d'une société québécoise inscrite en Bourse? Que la Caisse détienne un bloc d'actions et fasse augmenter les enchères en vue d'obtenir un meilleur prix d'achat... c'est défendable. C'est le jeu de la Bourse.

Par contre, demander à la Caisse d'acheter des blocs d'actions dans le dessein de strictement bloquer une éventuelle OPA sur une entreprise québécoise inscrite en Bourse, c'est contraire au libre marché. Ça va peut-être enrichir les dirigeants et les actionnaires mais pas les «propriétaires» de la Caisse, le peuple.

C'est une carte anti-Bourse. Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de voir le gestionnaire du BAS-DE-LAINE-DES-QUÉBÉCOIS devenir la Caisse de défense et protection du Québec inc. Le rendement risque d'en souffrir.

Avis aux chefs d'entreprises québécoises. Quand on ne veut pas courir le risque d'une OPA, on ne s'inscrit pas en Bourse pour financer son développement et ses acquisitions. Et on ne leurre surtout pas ses actionnaires avec la possibilité d'une plus-value... en cas d'OPA. Que fait-on quand on veut éviter une OPA? On demeure une société privée!