Dans le sous-sol d'un couvent de Florence, un squelette a été déterré. Il s'agirait de celui de Lisa Gherardini, dite Mona Lisa, le célèbre modèle de Leonardo Da Vinci lorsqu'il a peint La Joconde. Hier, la nouvelle a fait le tour du monde. En plein mois de juillet, ce genre de révélation frappe l'imaginaire, change de l'ordinaire.

Passons rapidement sur la minceur des preuves scientifiques apportées dans cette «découverte». Il faudra encore faire des tests au carbone 14 pour dater précisément le squelette, et des tests ADN pour confirmer qu'il s'agit bien de Mona Lisa, morte en 1542 à l'âge de 62 ou 63 ans.

Mais attardons-nous un moment sur le metteur en scène de cette présentation. Silvano Vinceti, ancien producteur à la télé italienne RAI, est le fondateur du Comité italien pour la valorisation des biens culturels, un organisme privé dévoué à la «résolution des grandes énigmes de l'histoire italienne». L'homme s'est déjà intéressé à l'artiste Caravage, dont il dit avoir découvert la tombe, le squelette et la cause de sa mort. Son enquête controversée et critiquée aura été largement médiatisée en 2010, transformant la ville où reposerait le Caravage (Porto Ercole, en Toscane) en lieu de pèlerinage touristique.

Car Vinceti travaille notamment avec le ministère du Tourisme italien. Et ses «découvertes», filmées ou publiées, sont lucratives pour beaucoup de monde. De la science-spectacle, quoi. Si on peut encore appeler ça de la science...

En ce qui concerne La Joconde, Vinceti a une théorie - sulfureuse - qu'il compte bien étayer en reconstruisant le visage de Lisa Gherardini à partir de son crâne. Vinceti croit que le visage de La Joconde a plutôt les traits de l'apprenti «et amant» du maître Da Vinci, Gian Giacomo Caprotti, dit Salai. Vinceti affirme avoir vu dans yeux de la Joconde un «L», pour Leonardo, et un «S», pour Salai. Une théorie rejetée par le musée du Louvre, où est conservé le chef-d'oeuvre, et des experts italiens en histoire de l'art. Ce ne sont pas des lettres, disent-ils, mais des craquelures du vernis.

Malaise.

C'est dommage. Car pendant qu'on s'intéresse au squelette de Lisa Gherardini pour des raisons discutables, un autre squelette découvert récemment a bénéficié de beaucoup moins d'attention. En Afrique du Sud, des scientifiques - des vrais - ont découvert le squelette d'un australopithèque vieux de deux millions d'années, probablement le plus complet jamais découvert d'un ancêtre de l'homme.

Karabo, le nom qu'on lui a donné, n'avait peut-être pas un aussi beau sourire que Mona Lisa, mais l'étude des dents de ses contemporains a permis d'apprendre qu'il préférait manger de l'écorce plutôt que des feuilles.

D'accord, l'étude du régime alimentaire d'un ancêtre de l'homo sapiens est moins excitante que celle des relations alléguées d'un célèbre peintre avec ses modèles. Mais, au moins, elle contribue davantage à la connaissance qu'au divertissement.