L'idée paraissait bonne: suivre le débat entre Nicolas Sarkozy et François Hollande dans un bistro toulousain, pour voir comment les clients réagiraient à leurs meilleurs et pires coups.

La réalisation, elle, s'est heurtée à quelques obstacles. Chez Antipasti, il y avait une grande télé et elle diffusait le débat. Mais il n'y avait pas un seul client. Dix-huit minutes après le début de l'affrontement, le restaurant a fermé.

J'ai erré autour de la place du Capitole, à la recherche d'un autre bistro politisé. Peine perdue: partout, on me disait craindre la «discorde», voire le «pugilat».

Les deux candidats débattaient depuis une bonne quarantaine de minutes quand j'ai atterri au fond d'un petit bar où j'ai pu regarder la suite de l'affrontement en compagnie d'André et Annie, deux profs à la retraite, Alexandre, gitan évangélique, Romain, propriétaire de la boîte, et Cuong, étudiant vietnamien.

«Pour l'instant, c'est assez égal, mais on n'a pas encore attaqué l'immigration», a dit Annie, quand je lui ai demandé de me résumer le premier round.

«Sarko fait vachement blocus, il n'arrête pas de couper la parole», a pesté André.

- Est-ce que cette attitude l'avantage?

- Ça dépend de quel côté on est.

Annie et André sont assurément du côté de François Hollande, et ils l'ont trouvé meilleur que ce qu'ils appréhendaient.

Romain et Alexandre, eux, optent pour Nicolas Sarkozy. «Hollande ne pense qu'aux pauvres», a déploré Romain. Il a pesté contre l'idée d'imposer à 72% les revenus des plus riches. «Ils vont tous partir, même les joueurs de foot.»

Et enfin: «Ce qui me fait le plus peur avec Hollande, c'est l'immigration.»

Quand le débat est finalement tombé sur ce sujet délicat, tout le monde s'est mis à parler à tue-tête, enterrant les échanges entre les deux candidats.

«Tous ces étrangers qui viennent, ça fait moins de travail pour les Français», a dit Alexandre, gitan évangélique. Annie et André ont tenté de le convaincre du contraire.

«Mais tu sais pourquoi ils viennent en France, les étrangers? Parce qu'on les paie pour des emplois dont les Français ne veulent pas...»

Seul Cuong est resté scotché à l'écran. C'est une bonne raison pour lui laisser le dernier mot.

- Alors, qui a été le meilleur?

- Nicolas Sarkozy avait une meilleure technique de débat. Avec François Hollande, l'émotion ne passe pas.

S'il a raison, cela suffira-t-il pour rattraper le retard que le président sortant accuse sur son rival socialiste? Si je me fie à mes compagnons de soirée, les opinions sont déjà bien arrêtées. Et le débat n'y changera rien.