Thomas Mulcair battu dans la course à la direction du parti, les néo-démocrates auraient été piétinés au Québec en 2015, ne conservant que deux ou trois députés sur 59. Thomas Mulcair élu, ce qui a été fait samedi, ils en garderont avec un peu de chance... une douzaine!

C'est ce que plusieurs prédisent au sujet des élections fédérales prévues dans trois ans.

Ils se fondent sur une évidence: l'élection de mai dernier fut ce que les scientifiques appellent une singularité. Laquelle s'est incarnée en un homme, Jack Layton, exceptionnellement admis dans la «famille». De fait, le NPD est déjà nez à nez avec le Bloc québécois ou même derrière lui dans les plus récents sondages (12 mars, QMI/Léger et 22 mars, La Presse/CROP).

Cependant, trois ans à courir, c'est long et potentiellement plein d'imprévus. Le député d'Outremont est lui-même une boîte à surprises. Et il existe bel et bien un vide que le Bloc québécois et le Parti libéral (dans d'éventuelles versions 2.0) combleront ou pas. En clair: contrairement au Parti conservateur, le NPD a absolument besoin du Québec. Mais le Québec n'a pas nécessairement besoin de lui.

C'est dans ce contexte que Thomas Mulcair doit travailler. Et la première étape sera de conquérir... son parti.

Au congrès de Toronto, il a en effet fallu quatre tours pour le désigner comme chef avec à peine plus de 57% des voix exprimées par une petite moitié des membres. Sous ces chiffres, une réalité: Mulcair n'était pas le favori de l'establishment, ce qu'a bien fait comprendre le patriarche Ed Broadbent. De sorte qu'on continuera à se méfier un peu de lui: même sa barbe a alimenté les potinages de corridor!

Mais l'affaire ne tient pas à un poil. Ni exclusivement à l'électorat québécois.

Pour accéder un jour au pouvoir, les néo-démocrates doivent avant tout le vouloir. Cela irait sans dire si une fraction importante de toutes les gauches connues de ce côté-ci de la galaxie ne préférait l'onanisme idéologique à l'exercice du pouvoir. Au sein du NPD, cela coexiste avec la complicité la plus terre-à-terre avec les institutions syndicales.

Or, Thomas Mulcair n'a aucun goût pour cet enfermement, incompatible avec sa personnalité et son ambition. De sorte qu'on attend de lui une «Tony-Blairisation» de sa formation. Cela lui imposera le même chemin de croix qu'a parcouru le premier ministre britannique, fouetté par la nécessité politique, crucifié par la vieille nomenklatura du parti.

C'est simple.

Sous réserve de se fondre aux libéraux, ce qui ne serait pas moins ardu, les néo-démocrates ne seront pas dans la course au pouvoir en 2015 s'ils ratent cette mise à jour. Au Québec, ce sera encore plus net. Plutôt que de donner une suite à leur one-night stand avec le NPD, les citoyens résignés à ne pas élire un premier ministre retourneront probablement en bloc au Bloc.

Cela ne nous avancera pas beaucoup.

mroy@lapresse.ca