Revenu Québec doit un million de dollars à Marchés Lambert à titre de remboursement de TVQ et TPS. Mais sous prétexte que l'entreprise n'aurait pas produit toutes les déclarations requises, Revenu Québec retient la juteuse somme depuis plusieurs mois.

Luc Lambert, le propriétaire et directeur général, est carrément découragé de voir ainsi Revenu Québec torpiller financièrement son groupe de magasins d'alimentation, qui comprend six supermarchés IGA Extra (Saint-Basile-le-Grand, Saint-Bruno, Saint-Constant, Bromont, Chambly, Delson) et deux dépanneurs Bonisoir.

«Mon histoire d'horreur avec Revenu Québec a débuté il y a de cela quelques années, affirme-t-il. C'est en effet la troisième fois que Revenu Québec met notre entreprise en difficulté par laxisme et incompétence.»

Cette somme d'un peu plus d'un million de TVQ et TPS à récupérer représente les réclamations déposées au cours des sept derniers mois.

«Une forte proportion de nos ventes n'étant pas taxables, nos intrants payés en TPS et TVQ excèdent d'environ 75 000$ nos extrants et ce, à chaque période de quatre semaines, explique M. Lambert. De plus, l'ouverture d'un dépanneur en août dernier et d'un IGA Extra en septembre a occasionné des montants supplémentaires de taxes à réclamer, soit environ 700 000$.»

Revenu Québec ne rembourse pas à cause d'un formulaire qui n'aurait pas été reçu.

Le hic?

«Depuis septembre nous avons faxé, refaxé et rerefaxé à Revenu Québec les mêmes documents qui devaient régulariser la situation. Encore une fois, ce matin [12 décembre], la fonctionnaire de Revenu Québec à qui j'ai parlé a admis ne pas comprendre la situation. Mais elle m'a dit qu'elle n'y pouvait pas grand-chose. Imaginez: nos remboursements d'un million sont retenus parce qu'il manquerait un formulaire de production de TPS et TVQ à 0,00$, relié à notre nouveau dépanneur. Il a ouvert ses portes avec quelques semaines de retard par rapport à la date indiquée à Revenu Québec au moment de l'inscription de ce nouveau point de vente.»

«Je suis comptable agréé de formation. Je suis donc en mesure de discuter avec Revenu Québec. Pour une petite entreprise qui n'a pas cette ressource à l'interne, une histoire semblable peut devenir catastrophique. Elle le deviendra pour nous en janvier. En effet, un de nos projets doit être retardé faute de ces liquidités et sincèrement je ne vois plus ce que je peux faire pour régler le dossier avec Revenu Québec.»

À cause de son litige avec Revenu Québec, Marchés Lambert se retrouve dans une situation de plus en plus vulnérable, car l'entreprise vient d'investir plus de 10 millions dans deux projets.

«À chaque quatre semaines, ajoute M. Lambert, le solde à recevoir de Revenu Québec augmente. Ça dépasse le million de dollars. À ce rythme, le 15 février prochain, j'aurai défoncé ma marge de crédit.»

Nous avons demandé à Revenu Québec de commenter le dossier de Marchés Lambert. Deux courriels ont été envoyés à la porte-parole de Revenu Québec, ministère qui relève du ministre des Finances Raymond Bachand. Niet! Même pas un accusé de réception.

L'acharnement

Luc Lambert n'en pas à ses premiers démêlés avec le fisc québécois.

«Tout a commencé il y a cinq ans, avec une cotisation de taxe sur le capital de la compagnie. J'avais expliqué à l'agent de Revenu Québec que leur position était inacceptable. Ils m'ont quand même «cotisé» pour une somme de 330 093$, que j'ai été obligé de payer en moins de 30 jours pour avoir le droit de m'opposer.»

À cette époque (2006), Revenu Québec avait décidé de cotiser de nouveau (pour des dizaines de millions de dollars) les entreprises québécoises qui avait bénéficié du programme de financement auprès des ressortissants étrangers. La nouvelle cotisation portait sur la taxe sur le capital. Les entreprises victimes, dont celle de M. Lambert, avaient toutes déposé des oppositions aux avis de cotisation du fisc québécois. S'appuyant sur une interprétation erronée des règles comptables, Revenu Québec leur chargeait injustement de la taxe sur le capital.

Pour trancher le litige, vu le grand nombre d'oppositions, Revenu Québec avait accepté de suspendre les procédures en attendant la décision du tribunal dans une cause type opposant Les Produits Fraco à Revenu Québec.

Fraco a gagné sa cause devant la Cour du Québec. Revenu Québec en a appelé de la décision devant la Cour d'appel. L'appel a été rejeté. Revenu Québec n'a pas lâché prise et a déposé une nouvelle requête d'appel devant la Cour suprême. Celle-ci a refusé d'entendre les arguments de Revenu Québec.

«Le fisc a mis six mois pour se conformer à l'ordre de la cour et ainsi me rembourser la somme que j'avais été obligé de lui payer pour avoir le droit de contester l'avis de cotisation», ajoute M. Lambert.

Des années de bataille juridique pour se défendre contre l'agressif entêtement de Revenu Québec.

Que d'énergie perdue inutilement, et ce en raison d'une interprétation comptable erronée de la part du fisc québécois.

La semonce

Dans son jugement qui annule les cotisations de Revenu Québec dans cette affaire de taxe sur le capital, la juge de la Cour du Québec, Eliana Marengo, avait semoncé le ministère.

Voici quelques passages de son jugement de première instance qui ont amené la juge Marengo à annuler les avis cotisations de Revenu Québec.

«Considérant que l'attitude et la position de Revenu Québec sont déraisonnables et vont clairement à l'encontre des droits du contribuable et ne servent qu'à enrichir injustement ses coffres au détriment d'une saine administration de loi fiscale; considérant qu'il serait injuste et abusif pour le contribuable d'être taxé sur des actifs que l'entreprise n'utilise pas et dont elle n'a pas et n'a jamais eu de contrôle, soit d'être taxé sur un capital non utilisé; considérant que la position de Revenu Québec est illogique et non conforme au p.c.g.r [principes comptables généralement reconnus]; considérant que le Tribunal ne peut qu'être d'accord avec l'approche du fisc fédéral et avec la compréhension de la compensation des passifs et des actifs financiers.»

La juge Marengo poursuit sa semonce envers Revenu Québec.

«Je termine en disant qui sait quels étaient le raisonnement et les intentions du gouvernement derrière la création du programme ou des prêts immigrants investisseurs, mais chose certaine, en fin de compte cela ne devrait pas aboutir à une taxation indue, injuste en capital non utilisé par une société québécoise qui a participé et qui, soit dit en passant, contribue de façon remarquable à l'économie québécoise.»

Mais quelle histoire. Vous acceptez de participer à un programme gouvernemental et le fisc, lui, tente de vous arnaquer deux ans plus tard.

Inacceptable!