Mis au courant des conditions de vie déplorables des habitants de la réserve crie d'Attawapiskat, dans le nord de l'Ontario, le gouvernement Harper a placé le village sous tutelle. Les partis d'opposition ont dénoncé cette décision. En réalité, les politiciens des deux côtés de la Chambre des communes ont adopté une approche simpliste et grossièrement partisane face à une crise qui commande au contraire la retenue et la nuance.

L'effroyable pauvreté qui ronge la communauté d'Attawapiskat et des dizaines d'autres villages autochtones du pays est, tel un cancer, corrosive et d'une infinie complexité. Le gouvernement semble convaincu que si des dizaines de résidants de la réserve vivent entassés dans des cabanes ou des tentes sans eau courante et sans chauffage, c'est que le conseil de bande a mal géré les millions qu'Ottawa lui envoie chaque année. Certaines informations, notamment les commentaires des vérificateurs, laissent penser qu'en effet, la gestion locale manque de rigueur. Cependant, cela n'explique pas tout.

Une évaluation interne du programme de logement du ministère des Affaires autochtones et un rapport du Vérificateur général du Canada, publiés cette année à quelques mois d'intervalle, concluent tous deux que les montants consacrés à la construction et à la rénovation des habitations dans les réserves ne suffisent pas à combler les besoins. Selon le Vérificateur général, il manque plus de 20 000 unités de logement dans les réserves tandis que 5000 logements doivent être remplacés et 23 000 rénovés.

Libéraux et néodémocrates ont beau s'en prendre au gouvernement conservateur, rien n'indique qu'ils savent mieux que lui comment régler les problèmes affligeant les communautés autochtones du pays. Pendant leurs nombreuses années au pouvoir, les libéraux ont investi des milliards et tenté différentes approches (c'est à cette époque qu'a été élaborée la politique de «gestion par un tiers» aujourd'hui employée dans le cas d'Attawapiskat...). Or, dans bien des villages, la situation s'est aggravée au lieu de s'améliorer.

Quant aux leaders autochtones, ils doivent reconnaître que l'État canadien investit, de bonne foi, des sommes et des énergies considérables dans le but d'aider les Premières Nations à se sortir de la misère. Il est normal, essentiel même, que le gouvernement cherche à savoir pourquoi ces milliards ne produisent pas les résultats espérés.

En somme, Ottawa et les Premières Nations doivent, malgré leurs inévitables différends, tenir un dialogue constant, franc et constructif. C'est la voie qu'ils avaient empruntée en convenant, l'été dernier, d'un Plan d'action conjoint Canada-Premières Nations. L'annonce de la tenue en janvier d'une rencontre entre le gouvernement et les Premières Nations, annonce faite hier par M. Harper à l'issue de son entretien avec le chef Shawn Atleo, montre que cela demeure l'approche privilégiée de part et d'autre. On ne peut que s'en réjouir.