Nos voisins ontariens sont plongés en pleine campagne électorale. Officiellement, la campagne débute demain, mais cela fait des semaines qu'elle est commencée dans les faits. Dans un mois, le 6 octobre, on saura si les électeurs acceptent de confier un troisième mandat au gouvernement libéral de Dalton McGuinty.

Le moment est bien choisi pour rappeler que les Ontariens vont voter dans un contexte radicalement différent de celui des élections précédentes, il y a quatre ans.

À l'époque, personne ne contestait que l'Ontario était la véritable locomotive de l'économie canadienne. Le moins que l'on puisse dire, c'est que, depuis 2007, la locomotive roule sur des roues carrées.

Deux événements sont venus assommer l'économie ontarienne: la crise de l'industrie automobile nord-américaine, en 2008, et la récession de 2009.

Au Canada, les usines de montage automobile sont massivement concentrées en Ontario. Il y a trois ans, c'est par milliers que les travailleurs de l'industrie ont été licenciés. En 2009, au pire de la crise, l'Ontario comptait 200 000 chômeurs de plus qu'en 2007. Certes, une bonne partie de ces pertes a été comblée depuis 18 mois, mais on est encore loin en arrière des niveaux de 2007. Depuis deux ans, le taux de chômage ontarien, mois après mois, est systématiquement plus élevé qu'au Québec, chose impensable quelques années plus tôt; au début des années 90, le taux de chômage québécois frisait les 11%, comparativement à seulement 6% en Ontario! Aux dernières nouvelles, on parle de 7,5% en Ontario et 7,2% au Québec. Apprécions l'ampleur du changement.

Moins de travailleurs, cela signifie une réduction de la capacité fiscale et, comme le calcul du système canadien de péréquation est basé sur la capacité fiscale des provinces, l'Ontario, l'orgueilleux, l'opulent, le riche Ontario, fait maintenant partie des provinces «pauvres» qui touchent des paiements de péréquation.

La province a vu ses investissements grimper de 6,4% entre 2007 et 2011, chiffre qui se compare très bien avec la moyenne canadienne de 6,2%. Ce qu'il faut savoir, c'est que l'Ontario, il y a encore quelques années, se vantait avec raison d'être le champion toutes catégories des investissements. D'un point de vue ontarien, se contenter d'égaler la moyenne canadienne, ce n'est pas une bonne nouvelle. D'autant plus que le Québec, pendant la même période, a connu une croissance de 17% à ce chapitre.

Mais le pire, c'est sans aucun doute la détérioration rapide des finances publiques de la province.

En 2003, lorsque Dalton McGuinty est élu pour la première fois, il hérite d'un déficit (conservateur) de 5,5 milliards de dollars. Pendant quatre ans, le gouvernement McGuinty ne réussit pas à éliminer ce déficit. Mais au moins, il l'empêche d'exploser. En 2007, il se situe à 6,4 milliards.

Arrivent la crise de l'automobile et la récession. Le gouvernement ouvre les vannes, et pas à peu près. En 2008, le déficit atteint un record de 25 milliards. Même pour une province riche comme l'Ontario, ce montant est énorme. Depuis ce temps, on a réussi à combler une partie du trou budgétaire, mais les déficits continuent de plomber les finances publiques ontariennes: 17 milliards l'an dernier, 16 milliards cette année. Selon les prévisions les plus optimistes, la province ne retrouverait l'équilibre financier qu'en 2018, et encore au prix d'énormes sacrifices. De toute façon, ces prévisions sur un horizon de sept ans valent ce qu'elles valent, c'est-à-dire pas grand-chose.

Il va de soi que l'accumulation de ces déficits a contribué à propulser la dette publique à des niveaux sans précédent.

La dette nette ontarienne, en quatre ans, est passée de 151 à 220 milliards. Une aussi forte hausse en si peu de temps est très inquiétante. Toutes proportions gardées, l'Ontario est maintenant la deuxième province la plus endettée (après, hélas, le Québec, qui détient toujours la première place à ce triste palmarès).

L'Ontario, avec un produit intérieur brut (PIB) de 641 milliards, demeure évidemment la première puissance économique canadienne, très loin devant le Québec (332 milliards) et l'Alberta (278 milliards). À elle seule, l'économie ontarienne compte pour 38% du total canadien. Mais les événements des dernières années ont contribué à effriter cette domination.

Je me souviens d'un vieux dicton disant que «le Canada, c'est l'Ontario et ses colonies». C'est beaucoup moins vrai aujourd'hui.

2007 / 2011 / Variation en%

Chômeurs 448 700 / 550300 / 22,6

Mises en chantier 68 123 / 58 137 / -17,2

Déficit budgétaire 6,4 milliards / 16,7 milliards / 161

Dette nette 151 milliards / 220 milliards / 45,7

Source : compilation La Presse