Avis aux intéressés: les portes de la cave à vin de Sa Majesté vous sont ouvertes.

Le gouvernement britannique vient de mettre en vente une partie des 38 000 bouteilles de l'État, dont la valeur est estimée à plus de 1,5 million de dollars.

Cette cave prestigieuse agrémente les réceptions officielles depuis 80 ans. Mais les autorités veulent liquider plusieurs grands crus et, à l'avenir, les «bars ouverts» seront peut-être moins nombreux. L'objectif de l'opération: épargner un demi- million de livres (800 000$) par an.

Le geste est symbolique, certes. Mais cette vente de liquidation témoigne de la grisaille actuelle dans les îles britanniques qui, sur le plan économique, baignent dans un épais brouillard.

Le produit intérieur brut (PIB) du Royaume-Uni a augmenté d'un maigre 0,5% au premier trimestre (1,8% sur un an), indique un dernier bilan. Or, cette progression ne fait que ramener au point de départ une économie qui avait reculé d'autant (-0,5%) au quatrième trimestre 2010. Six mois, donc, à faire du surplace.

C'est un coup dur pour les Anglais, déjà assommés par une inflation alarmante de 4,5% (en rythme annuel) qui sape leur pouvoir d'achat.

Si bien que la Banque d'Angleterre, qui n'était déjà pas d'un optimisme débridé cet hiver, envisage l'avenir sous un jour un peu plus sombre. L'institution vient de revoir ses projections à la hausse en ce qui concerne l'inflation et à la baisse pour l'activité économique.

«La récession est terminée, mais l'économie reste déprimée», a résumé l'institut national économique NIESR.

Et les coupes...

Le Royaume-Uni arrive tout juste à garder la tête hors de l'eau alors que, selon les experts, les mesures d'austérité du gouvernement commencent seulement à faire sentir leurs effets.

Rappelons que le premier ministre David Cameron et son ministre des Finances, George Osborne, ont décrété de sévères mesures d'austérité, en octobre, afin de réduire le déficit. Des coupes budgétaires brutales de 132 milliards CAN et des hausses d'impôts de 48 milliards CAN seront échelonnées sur les quatre prochaines années.

Dans ce contexte, l'état de santé des consommateurs anglais est particulièrement inquiétant. Car les dépenses des ménages ont baissé de 0,6% au premier trimestre 2001, preuve que les Britanniques ont déjà commencé à se serrer la ceinture.

On aurait pu espérer que les entreprises, à l'instar du secteur privé en France ou en Allemagne, profitent de l'essor des économies émergentes pour prendre le relais. Toutefois, les nouvelles ne sont guère meilleures de ce côté.

Mercredi dernier, on a appris que l'activité manufacturière a connu en mai sa croissance la plus lente en 20 mois. La faiblesse des exportations et de la demande domestique a même abouti au premier recul des nouvelles commandes en deux ans.

Et, sans surprise, cette panne généralisée touche les finances publiques. Le déficit de l'État s'est encore dégradé en avril, se creusant de 3 milliards à 8,4 milliards de livres (13 milliards CAN) malgré l'entrée en vigueur du plan d'austérité du gouvernement, selon l'Office des statistiques nationales.

Un répit, S.V.P.

Face au piètre état du royaume de Sa Majesté, l'OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économiques) a donc senti le besoin d'intervenir.

Le gouvernement britannique devrait ralentir ses coupes budgétaires si la croissance continue à s'affaiblir, a suggéré en substance l'organisme dans son dernier rapport global.

«Nous verrions un intérêt à réduire le rythme de l'assainissement budgétaire si les nouvelles sur le front de la croissance se détériorent», affirme Pier Carlo Padoan, économiste en chef à l'OCDE.

Ces propos donnent des munitions à l'opposition travailliste qui critique le plan d'austérité - le plus sévère de tous les grands pays européens. Et des experts commencent aussi à mettre en doute cette stratégie.

Howard Archer, de la firme IHS Global Insight, soutient dans une note financière que «l'inquiétude demeure sur la capacité de l'économie à supporter» le choc budgétaire imposé par l'État.

Des économistes de la Banque HSBC sonnent aussi l'alarme, rappelant que la consommation des ménages est «techniquement entrée en récession» après deux trimestres de baisse d'affilée. Et la tendance ne devrait pas s'inverser en cours d'année.

En somme, les Britanniques ont la mine basse après avoir été mis au régime sec après la crise financière. Le gouvernement, qui grappille des économies de bout de chandelle dans la cave de la reine, est en train s'assoiffer une économie déjà à bout de souffle au nom d'une rigueur budgétaire spartiate. Le message de certains experts est clair: le peuple a besoin, au contraire, d'un petit remontant.