Depuis 35 ans, la parfumerie Dans un Jardin ne compte plus les fragrances qu'elle a élaborées. Mais son dernier parfum pour femmes est le fruit, sans jeu de mots, d'une démarche nouvelle.

L'entreprise a demandé à ses amies Facebook ce qu'elles recherchent et préfèrent. L'essence de leurs réponses, c'est un parfum à la fois fruité et sucré. De l'internet aux éprouvettes est né Pitaya. C'est le nom d'un fruit exotique de la famille des cactus, une boule épineuse rose ou jaune que certains appellent «fruit du dragon» sous l'influence de l'anglais.

Lancé mardi, ce parfum dépasse ses premiers objectifs de vente, affirme Éric Arminjon, vice-président marketing de cette PME de Boucherville. «Développer des produits à partir de nos échanges avec nos clients, on va le faire de plus en plus», conclut-il.

Voilà un an que Dans un Jardin s'est aventurée sur Facebook. Un gestionnaire de réseaux anime cet espace à temps plein, répondant aux questions, aux commentaires ou référant les plaintes aux vice-présidents de l'entreprise.

Cette maison de parfums s'est rapidement rendu compte que ce n'était pas le véhicule idéal pour faire mousser les ventes. Les promotions envoyées aux clients fidèles par courriel sont nettement plus efficaces.

«Il y a beaucoup d'essais-erreur», dit Éric Arminjon. Mais aussi de belles surprises. Au dernier salon Cosmoprof, l'une des plus grandes foires de cosmétiques, tenue en mars, à Bologne, Dans un Jardin s'est fait approcher par des entreprises qu'elle ne connaissait même pas. Une chaîne de 300 pharmacies du Chili et un grand détaillant mexicain. Ces deux détaillants, avec qui Dans un Jardin finalise des contrats, ont été impressionnés par le sentiment d'appartenance du millier de fans de la parfumerie sur Facebook.

«Les réseaux sociaux ont une valeur quasi inestimable en ce qui me concerne», dit Éric Arminjon.

Y être ou pas? C'est la grande question pour les entreprises, petites et grandes, qui ne savent pas toutes comment appréhender cette grosse bête en mutation. Évidemment, à écouter les professionnels de la communication numérique, comme ceux croisés jeudi lors du deuxième RDV_Web organisé par le groupe Infopresse, tout le monde doit avoir sa page Facebook. Tout le monde doit tweetter...

Toutefois, tant qu'à s'afficher sur des médias sociaux sans y mettre les moyens, «aussi bien ne pas y aller», tranche Guillaume Brunet, premier directeur, médias sociaux, de l'agence de relations publiques Optimum.

Guillaume Brunet cite en exemple la compagnie aérienne United Airlines, dont les gestionnaires de réseaux sociaux ne suffisent pas à la tâche (3 réponses pour 164 messages, lors d'une recension faite ce printemps). En comparaison, le populaire transporteur au rabais JetBlue emploie 17 personnes pour échanger avec les internautes!

Même si une entreprise n'a pas les moyens d'investir autant dans les médias sociaux, elle doit à tout le moins épier les conversations. Pas besoin de s'offrir un coûteux service de veille comme Radian6. Pour plusieurs entreprises, il peut suffire de s'inscrire aux alertes Google ou de faire une vérification quotidienne sur Twitter.

C'est une leçon qu'Air Canada a apprise à la dure en août dernier. La compagnie aérienne a brisé le fauteuil roulant motorisé d'un garçon atteint de dystrophie musculaire dont l'un derniers souhaits était de faire le voyage de Vancouver à New York. Après avoir d'abord informé la famille que cela prendrait plusieurs jours avant de réparer son fauteuil, sans lequel Tanner Bawn était confiné à son lit d'hôtel, Air Canada a cherché à réparer sa chaise plus rapidement.

Mais l'indignation des internautes a explosé après que la tante du garçon de 10 ans, la blogueuse torontoise Catherine Connors, eut tweetté sa colère à l'intention de @aircanada. Or, ce compte presque inactif n'était pas administré à l'époque par le transporteur montréalais. Bien qu'Air Canada travaillait à résoudre le problème, elle avait publiquement l'air de s'en laver les mains.

Air Canada a réparé la chaise et s'est excusée auprès de Tanner Bawn en lui offrant un voyage à Disney. Mais sa réputation en a pris pour son rhume.

Évidemment, ce n'est pas toujours agréable pour une entreprise de recevoir une plainte et de la voir afficher publiquement sur sa page Facebook. «La première plainte qui entre, elle fait toujours mal, note Sébastien Provencher, cofondateur de Praized Media, alias Needium, une firme qui aide les entreprises à naviguer dans les réseaux sociaux.

«Mais il vaut mieux qu'ils se plaignent à toi qu'ils le fassent ailleurs. Au moins, ils te donnent une dernière chance!»

Sources d'inspiration

Les entreprises qui réorganisent leurs activités autour de leurs clients les plus mobilisés obtiennent d'excellents résultats, fait valoir Steve Irvine, premier directeur de Facebook Canada, de passage à Montréal jeudi. Steve Irvine prêche évidemment pour sa paroisse. Mais il a cité en exemple des entreprises qui ont utilisé avec intelligence les réseaux sociaux. Voici quelques cas:

> VitaminWater: a produit une eau vitaminée dont la saveur, les propriétés nutritives et l'emballage avaient été plébiscités par ses fans.

> Sephora: en plus d'offrir des conseils et des exclusivités, ce détaillant de produits de beauté se sert de son compte Facebook (1,3 million d'internautes disent aimer Sephora) comme d'un grand focus group.

> Toyota: après les rappels qui ont terni son image, ce constructeur japonais a recueilli des témoignages de gens «ordinaires» qui aiment leur Toyota. Les meilleurs ont servi à sa campagne d'image. La vidéo «Erica's Surprise», que vous retrouverez sans peine sur YouTube, est émouvante.

> Chase: cette banque américaine a invité ses fidèles à lui suggérer des organismes de charité vers qui diriger ses dons. Elle a reçu 9 millions de recommandations!