En mai 1968, un slogan à la mode était: «Il est interdit d'interdire». Près d'un demi-siècle plus tard, l'idée revient, mais inversée et sous forme de question: «Est-il permis d'interdire?» C'est ce qu'on se demande en France, une semaine après l'entrée en vigueur de la loi du 11 octobre 2010 «interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public».

En mai 1968, un slogan à la mode était: «Il est interdit d'interdire». Près d'un demi-siècle plus tard, l'idée revient, mais inversée et sous forme de question: «Est-il permis d'interdire?» C'est ce qu'on se demande en France, une semaine après l'entrée en vigueur de la loi du 11 octobre 2010 «interdisant la dissimulation du visage dans l'espace public».

Dit plus crûment: la loi prohibant la burqa et le niqab.

Depuis lundi dernier, la police a donc bel et bien interpellé des femmes voilées. Et l'événement le plus probant, qui s'est déroulé sur le majestueux fond de décor constitué par la cathédrale Notre-Dame, a évidemment été un stunt médiatique: devant les télés et agences de presse du monde entier enrôlées par Kenza Drider, la «madame Niqab» française, celle-ci s'est rendue aux forces de l'ordre.

Splendide image.

* * *

La France est le premier pays occidental à interdire le voile intégral dans l'espace public (la Belgique a un projet en ce sens, actuellement coincé dans un dédale politico-juridique).

Il s'agit d'une loi forte dans sa substance, mais à peu près inapplicable dans la réalité. «La France est spécialiste de cette monstruosité politico-juridique: la loi non appliquée ou peu appliquée», écrit Le Monde. Même les syndicats de policiers rechignent. Mais surtout, le débat enclenché autour de la loi, appelé à durer, s'ingénie à faire des ronds autour d'un problème qui soumet à la torture toutes les rectitudes politiques.

Le voile intégral? Exigence d'un dieu et expression libre de la femme soumise, tonnent toutes les Kenza Drider de l'Hexagone, que ne rebutent ni le faux ni la contradiction et dont la plupart sont nées en France - y compris les nombreuses Gauloises pur jus autoconverties après 2001.

La loi du 11 octobre? Complot islamophobe et sarkozyen, accuse une gauche devenue virtuose du déguerpissement queue-entre-les-jambes devant les difficultés du réel.

Les droits? Différents selon que l'on siège dans les cénacles paneuropéens (lesquels sont d'avis qu'il est interdit d'interdire); ou que l'on habite le 18e arrondissement de Paris et que, le vendredi, il faille enjamber la courtepointe de tapis de prière tissée dans la rue.

Or, la vérité brute au sujet du niqab et de la burqa, tout le monde la connaît: portés en Occident, ce sont des outils politiques. Au nom des cinq millions de musulmans vivant en France, des leaders autoproclamés cachent souvent très mal, en effet, des arrière-pensées ayant plus à voir avec le pouvoir temporel exercé au nom du Coran, qu'avec le Coran lui-même.

La loi française dorénavant activée ne sera peut-être qu'une autre tentative malhabile, voire ratée, de protéger les acquis égalitaristes et laïques d'une civilisation, la nôtre, devenue faible de ses forces.

En ce cas, il faudra une idée meilleure. Et applicable.