On ne sait pas s'il y aura ou non des élections fédérales au printemps, mais on sait maintenant comment Stephen Harper peut en provoquer si tel est son souhait.

Il suffira de ne pas inclure de règlement avec Québec sur l'harmonisation des taxes de vente dans le prochain budget, attendu fin février, début mars au plus tard.

Pour survivre au vote crucial sur le budget, les conservateurs ont besoin de l'appui de l'un des trois partis de l'opposition. Michael Ignatieff a déjà indiqué clairement que les libéraux tourneront le dos au gouvernement. Gilles Duceppe a été on ne peut plus clair lui aussi: pas d'entente sur l'harmonisation des taxes de vente, pas d'appui au budget.

Reste le NPD de Jack Layton, qui devra vraisemblablement trancher. Risquera-t-il de sacrifier son seul député québécois, Thomas Mulcair, en appuyant un budget qui risque d'être fort mal reçu au Québec? A-t-il tout simplement l'intention d'accorder un autre prolongement de mandat à Stephen Harper? C'est douteux.

Chose certaine, les deux derniers jours de ce début d'année auront jeté toute une douche froide sur l'optimisme de Québec, qui pensait pouvoir obtenir une entente - et un chèque d'environ 2 milliards de dollars - dans le prochain budget fédéral.

On est apparemment loin, très loin du chèque à la poste. Selon Stephen Harper (voir l'entrevue qu'il a accordée au chef de notre bureau d'Ottawa, Joël-Denis Bellavance), il faudra d'abord harmoniser réellement les deux taxes avant de parler de compensation financière pour Québec.

Ouf! Tout un recul! Ce n'est même pas un retour à la case départ: on vient de sortir carrément du jeu.

Depuis une dizaine d'années que durent les pourparlers entre Ottawa et Québec sur cette question, on croyait au moins que l'on s'accordait à dire que les taxes avaient été harmonisées et que la province pouvait, en vertu d'une entente administrative, percevoir les taxes.

Ce n'est pas ainsi que l'entend M. Harper. Selon lui, l'harmonisation signifie: une seule taxe, sur les mêmes produits, perçue par le gouvernement central. C'est ainsi avec les provinces qui ont obtenu compensation, et Québec doit se soumettre au même régime.

La position de M. Harper résiste mal à l'analyse historique. L'Ontario et la Colombie-Britannique ont reçu une compensation d'Ottawa parce qu'elles ont accepté de fondre les deux taxes de vente, de laisser au fédéral le soin de la percevoir et de l'étendre à des produits et services qui étaient auparavant épargnés par leur taxe provinciale.

Au Québec, une entente vieille de 20 ans permet au gouvernement provincial de percevoir le fruit des deux taxes et d'exclure certains produits. Québec verse ensuite à Ottawa les revenus de la TPS, ce pour quoi il obtient une compensation financière. Plus de 20 ans après la conclusion de cette entente par le gouvernement conservateur de Brian Mulroney, M. Harper affirme qu'il ne s'agit pas d'harmonisation, mais d'un simple arrangement administratif.

Pour le gouvernement Harper, la perception de la taxe n'est pas une question identitaire, mais fiscale, point.

Faux: pour le Québec, la perception des taxes est surtout une question d'autonomie, donc d'identité. Aucun gouvernement québécois ne peut reculer sur cette question sans risquer de provoquer une montée de fièvre nationaliste dévastatrice.

Cela vaut aussi pour le vieux débat sur la déclaration de revenus. Les Québécois en remplissent deux; les autres Canadiens, une seule. Idem pour la Commission des valeurs mobilières. Si Québec (appuyé en cela par l'Alberta et le Manitoba) s'oppose au projet fédéral de commission pancanadienne, c'est aussi par souci d'autonomie vis-à-vis du gouvernement fédéral.

Pas question d'accorder une exception au Québec puisque les autres provinces demanderaient la même chose, ajoute M. Harper.

Voilà une excuse bien commode mais, dans les faits, rien n'est moins sûr. Les sensibilités nationalistes sont bien différentes dans les autres provinces. Dans les autres provinces, la «vraie» capitale, c'est Ottawa. Pour une majorité de Québécois, c'est Québec.

Il est pour le moins incohérent de reconnaître la nation québécoise tout en voulant lui retirer les symboles de son autonomie fiscale.

Dans 13 jours, les conservateurs de Stephen Harper célébreront le cinquième anniversaire de leur accession au pouvoir. Qui se souvient que, parmi ses principales promesses, Stephen Harper s'était engagé à rédiger une «charte du fédéralisme»?

Plus personne à Québec n'y croit aujourd'hui. Qu'à cela ne tienne. À tout prendre, Jean Charest préférerait sans aucun doute le chèque à la charte.