La Chine a faim. Et les prix des denrées alimentaires frôlent des records. Cela profite au «coeur de l'Amérique», le secteur agricole, qui tire les États-Unis hors de la crise.

Comme la cavalerie dans les films westerns, volant à la rescousse des opprimés quand tout semble perdu, le monde agricole est peut-être en train de sauver l'économie américaine.

Alors que l'immobilier reste au tapis et que la consommation tarde à retrouver sa superbe, le bon vieux secteur agricole vole la vedette ces jours-ci à ses rivaux.

La flambée des prix des denrées alimentaires, y compris le blé, le maïs, le soja ou le coton, gonfle les revenus agricoles et la valeur des terres aux États-Unis. Si bien que la bonne santé de ce secteur a des effets bénéfiques sur l'industrie lourde américaine, qui en profite pour se remettre en marche.

L'indice CRB Thomson Reuters/Jefferies - qui mesure les cours des ressources naturelles, dont certaines céréales - est en hausse de 18% depuis la mi-2010. Or, cela contribuera à l'augmentation prévue de près de 20% des recettes agricoles en 2010, selon le Département agricole américain (USDA).

Au final, les revenus des agriculteurs américains pourraient surpasser la marque record de 87 milliards US établie en 2004, sans oublier que la valeur de leur terre s'apprécierait d'environ 10% cette année.

«Ce sera une année phénoménale pour le monde agricole», lance l'économiste Neil Harl, de l'Université Iowa State, dans un commentaire diffusé par des médias internet.

Quelle récession?

D'ailleurs, les indicateurs économiques récents confirment l'éclosion financière des fermes américaines.

Par exemple, le taux de chômage était de seulement 3,7% dans le Dakota-du-Nord, en septembre, 4,4% dans le Dakota-du-Sud et 4,6% au Nebraska - trois États plantés au coeur de l'Amérique agricole. Cela se compare à un taux moyen de 9,6% pour l'ensemble du pays.

L'activité agricole dans ces États, qui ont su aussi éviter le piège du boom immobilier au tournant des années 2000, stimule la demande pour les équipements agricoles et les fournitures industrielles.

Cela profite à des multinationales comme Deere&Co et Caterpillar, dont les derniers résultats ont surpassé les attentes de Wall Street et dont la production alimente le secteur industriel.

Et ceux qui ont lu l'excellent reportage de mon collègue Maxime Bergeron, en septembre, ont compris que certaines villes du Midwest, comme Oklahoma City, profitent de leur bonne santé financière pour diversifier leur économie dans des secteurs de pointe.

«(L'agriculture) est la lumière de l'économie durant cette récession (...), celle-ci rejaillit sur les autres industries», souligne la firme de notation de crédit Moody's dans une note financière.

La demande chinoise

Ironiquement, la croissance des pays émergents, qui a fait si mal à certaines industries, contribue au bien-être des fermiers américains.

Par exemple, la Chine est passée du statut d'exportateur net de produits alimentaires, à la fin des années 90, à celui d'importateur - elle importe en moyenne 10% de sa consommation de céréales -, selon l'USDA. Son principal fournisseur? Les États-Unis.

Le regain de vie agricole est même visible sur la côte ouest américaine.

Depuis 25 ans, les États-Unis n'ont construit qu'un seul terminal maritime important pour l'exportation et il se trouve sur la rivière Colombia, dans l'État de Washington, à environ 100 km de l'océan Pacifique. Situé dans le port de Longview, ce nouveau terminal va brasser 8 millions de tonnes de céréales par an. Et il est résolument tourné vers l'Asie, très exactement vers la Chine.

La demande des nouveaux marchés ne devrait pas se tarir de sitôt, au contraire. Car les Chinois n'ont à leur disposition que 7% des terres et de l'eau du monde pour nourrir 22% de la population sur Terre.

Donc un bon vent balaie les champs du Midwest. À cet égard, voici des données de diverses sources (USDA, Le Temps, FAO.) qui laissent entrevoir un bel avenir pour plusieurs agriculteurs:

- dans 10 ans, les besoins alimentaires supplémentaires de la Chine équivaudront à ceux de toute la Communauté européenne (27 pays);

- les besoins mondiaux en céréales sont passés de 155 à 250 kg par habitant depuis 1964, et les biocarburants contribuent largement à la demande accrue;

- si les rendements actuels restent les mêmes, 10 millions d'hectares supplémentaires - trois fois la Suisse - devront être plantés dans le monde pour ne pas épuiser les stocks actuels de céréales.