Nous publions aujourd'hui le troisième et dernier éditorial sur la droite au Québec.

Comme le sait tout entomologiste, la bibitte de droite est très différente de sa congénère de gauche. La première est farouchement individualiste, pratico-pratique et portée sur l'action; la seconde est grégaire, théoricienne et amante des mots. Cela avantage la seconde, parce que l'époque valorise bien plus les mots que leurs conséquences pratiques.

Hurler «So-so-so-solidarité!» dans un mégaphone est un geste plein de poésie... qui, en fait, permet surtout de se désolidariser des malheureux qui ne sont pas de la même tribu. On se satisfait d'une société atteinte d'une rigidité quasi cadavérique, à la condition que l'univers virtuel des idées (que nous avons exploré, hier) soit capable de donner à toutes les formes de statu quo de savantes justifications.

Or, la gauche québécoise en est toujours capable.

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Cela étant, ce n'est peut-être pas tant d'une droite que le Québec a besoin que d'une «non-gauche».

C'est-à-dire d'une entité politique intelligente. Ouverte à toutes les inspirations, peu importe leur étiquette. Cultivant la méfiance de tous les extrêmes. Débarrassée des théories fumeuses. Ayant suivi dans sa jeunesse le cours Économie 101. Indépendante de tous les intérêts, surtout de ceux qui se travestissent en oeuvres de salut public... comme c'est le cas actuellement pour les Trois Grâces syndicales, par exemple!

Or, aucune des droites que l'on connaît, ici ou ailleurs, ne fait vraiment l'affaire.

À l'étranger, on ne retiendra évidemment pas les versions extrêmes de la droite sévissant en Europe, berceau au XXe siècle de toutes les idéologies totalitaires; ou aux États-Unis, malades d'une droite paliniste imbibée de bondieuserie, qui insulte l'esprit. Étrangement, puisque son étiquette officielle est collée à gauche, c'est peut-être le Parti travailliste britannique tel que recentré par Tony Blair (après la dure, mais nécessaire réforme thatcherienne) qui offre les meilleurs repères.

Ici, on l'a dit, les diverses droites ne font qu'accumuler les échecs : le seul rôle qu'elles assument bien est celui d'épouvantail.

L'Action démocratique du Québec, qui tente actuellement de renaître, n'a jamais été capable de se donner un minimum de panache intellectuel - et elle n'y arrivera probablement pas. Le Réseau Liberté-Québec, animé notamment par Joanne Marcotte, auteure en 2006 d'un excellent documentaire engagé, L'Illusion tranquille, se cherche; c'est un processus qui, visiblement, n'est pas simple...

Reste le projet politique pour l'instant virtuel de François Legault, qui a de nombreux atouts en main. L'intelligence et l'expérience. Une zone d'influence déjà intéressante. Et surtout, surtout, une position politique échappant aux catégories préprogrammées: on peut voir l'ancien ministre péquiste comme social-démocrate ou ancré au centre droit, au choix...

La «non-gauche», peut-être est-ce lui qui pourrait l'inventer.