Si j'ai bien compris, le public choisit maintenant les trois étoiles aux matchs du Canadien. Bonne idée. Les partisans paient assez cher...

Au début, on demandait aux journalistes de choisir les trois étoiles. Il y avait deux écoles de pensée: un journaliste ne doit pas accepter de l'argent du Canadien e,t donc, s'abstenir de participer à leur spectacle. L'autre version: le Canadien nous demande notre expertise, alors il doit nous payer. C'était l'opinion de la majorité dans le milieu.

Mon patron de l'époque, Robert Duguay, était un adepte du premier argument. Il m'avait par contre donné la permission de choisir les étoiles dans le vieux Forum, à condition de remettre mon cachet aux Petits frères des pauvres, une oeuvre de charité qui lui tenait à coeur.

Par la suite, j'ai reçu du courrier des Petits frères des pauvres pendant plusieurs années. Ils pensaient que j'étais riche, je crois.

C'était tout de même une sorte d'honneur pour un journaliste débutant. Mes amis et ma famille étaient fiers de moi comme si j'accomplissais quelque chose de très utile pour l'humanité. Les gens me parlaient de mon choix des étoiles et rarement de mes articles.

Mon père n'aimait pas que l'annonceur maison du temps, Claude Mouton, prononce mon prénom à l'anglaise. Il avait fallu que je demande à Mouton, bon bonhomme de Rosemont, de prononcer Ronald à la française.

Et puis un soir, j'ai été hué par 17 000 personnes parce que je n'avais pas décerné une étoile à l'un de leurs préférés, qui ne la méritait pas. Par hasard, ma soeur était dans les gradins pour la première fois de sa vie. Elle était en pleurs, la pauvre petite.

J'aurais dû lui expliquer qu'ils étaient des partisans aveugles et un peu cons, mais j'étais jeune et timide à l'époque.

Sachez enfin qu'avant de passer aux votes du public, le Canadien avait, depuis quelques années, choisi quelques journalistes amis, ceux qui travaillaient à leurs émissions de télé et de radio, pour désigner les trois étoiles. Ce qui n'était pas très crédible. On disait en blague que Pierre Rinfret accorderait une étoile à José Théodore même si ce dernier n'était pas en uniforme...

Les intellos

J'ai connu l'époque où Jean Béliveau était considéré comme une exception dans le merveilleux monde du sport parce qu'il «lisait des livres». Les intellos se sont toujours moqués des hockeyeurs qui, pourtant, reflètent le niveau d'instruction et de connaissances du Québécois moyen.

Puis est venu Serge Savard, avec son Wall Street Journal sous le bras, et puis Ken Dryden, carrément un extraterrestre au vieux Forum, qui préparait son diplôme en droit.

Mais les intellos continuent de se moquer des hockeyeurs et autres athlètes, qui reflètent pourtant le niveau d'instruction et des connaissances du citoyen moyen.

Tout ça pour vous dire que les joueurs américains des Alouettes et du Canadien n'étaient pas à court de commentaires quand mes collègues leur ont posé des questions, pour notre numéro de samedi dernier, sur la politique aux États-Unis, à la veille des élections de mi-mandat. Les Ben Cahoon, Anwar Stewart, Jeff Halpern et Brian Gionta savaient très bien de quoi ils parlaient. J'ose espérer que les joueurs québécois sont capables d'en faire autant.

Mais les intellos vont continuer de se moquer d'eux.

Lorsqu'on me présente à un intello et qu'on précise «journaliste sportif», j'entends souvent: «Oh moi, le sport, vous savez...», avec un petit air condescendant.

Je tourne le dos et je m'en vais sans parler et sans écouter plus longtemps. La plupart des intellos m'ennuient à mourir. Ils sont tellement prévisibles.

Les icônes

Mes jolies perruches, Céline et René, vivent des jours intenses. Après avoir assisté à la canonisation du frère André à Rome, elles sont revenues pour apprendre qu'une autre icône, Céline Dion, avait accouché de jumeaux. Il n'en fallait pas plus pour que mes ailés amis reprennent la direction de l'oratoire Saint-Joseph.

Elles sont surtout contentes pour le pauvre petit René-Charles. Elles espèrent qu'il aura l'air moins bizarre maintenant qu'il a de la compagnie.

Ce qui nous a laissé seuls, mon poisson rouge Rocket et moi, pour discuter de choses qui concernent les drabes et petites choses anonymes que nous sommes.

«Que penses-tu, mon submersible ami, de ce couple de chanteurs country de Drummondville qui demande un permis pour ouvrir un club d'échangistes?

- Pas grand-chose. Je n'ai pas eu le temps d'y réfléchir, si tu veux tout savoir.

- Ils veulent rassembler les citoyens de Québec et Montréal, à mi-chemin, et semer la joie et l'allégresse où il n'y a que méfiance et rancoeur. C'est génial, non?

- Je n'avais pas vu l'affaire de cet angle. Très intéressant, en effet. Un petit souper au Madrid, une partie de sucre tout nus dans la forêt, sauf pour la ceinture fléchée, évidemment.

- On n'arrête pas le progrès, Rocket.»