Une fois à la retraite, a-t-on besoin de 50 % ou de 70% de notre revenu de travailleur actif pour pouvoir conserver le même train de vie?

D'un côté, les institutions financières et leur armée de conseillers financiers nous recommandent d'épargner en vue de la cible du 70%. Et de l'autre côté du ring de l'épargne, des firmes de services-conseils estiment que la cible de 50% est nettement suffisante.

Où se situe la vérité? Qui devrions-nous croire? Pas facile à trancher quand on sait que les deux groupes sont marqués par l'apparence de conflits d'intérêt.

Plus on épargne, plus on achète des produits financiers... et plus les institutions financières et leurs conseillers encaissent des commissions. Du côté des cabinets de services-conseils, leurs revenus sont tributaires de la satisfaction de leurs gros clients, les employeurs. Or plus les employeurs réussiront à diminuer leurs contributions dans les régimes de retraite des employés, plus grande sera leur degré de satisfaction. Et un client satisfait... ça rapporte!

Essayons d'y voir plus clair.

Dans son dernier bulletin « VISION », la firme Morneau Sobeco soutient qu'une bonne partie de la population épargne beaucoup trop en vue de la retraite. Ces écureuils d'épargnants surestimeraient le revenu dont ils auront besoin à la retraite.

Ainsi Morneau Sobeco remet sérieusement en question la règle du pouce voulant qu'on aurait besoin à la retraite 70% de notre revenu de travail si on désire conserver notre train de vie. La firme rabaisse cette règle à hauteur de seulement 50%.

Ainsi un couple disposant d'un revenu annuel de 80 000$ aurait besoin à la retraite de seulement 40 000$ par année au lieu de 56 000$. La raison? Une fois à la retraite, bien des dépenses disparaissent, telles les cotisations à la RRQ et à l'assurance emploi, l'épargne-retraite, les dépenses liées à l'emploi (vêtements, lunch, transport ), les dépenses liées aux enfants, etc.

Morneau Sobeco va même jusqu'à affirmer que des travailleurs disposant d'un régime de retraite à prestations déterminées (RRPD) bénéficieraient à la retraite d'un meilleur train de vie par rapport à leur vie active. Ce qui serait notamment le cas des employés de la fonction publique. «En fin de compte, affirme Morneau Sobeco, les salariés ayant oeuvré longtemps au sein du secteur public, qui ont payé leur hypothèque et dont les enfants ont terminé leurs études, peuvent s'attendre à profiter d'un mode de vie beaucoup plus élevé à la retraite que celui qu'ils ont connu durant leur vie active. »

Il va sans dire qu'il en serait de même du côté des employés des grandes entreprises qui offrent des régimes de pension d'employeur aussi « généreux » que les gouvernements, voire des régimes de retraite qui versent des rentes indexées équivalant à 70% du salaire des dernières années.

Bien entendu, si les gouvernements et les grandes entreprises réduisaient de 70 à 50% les rentes promises à la retraite de leurs employés, cela règlerait du coup leurs problèmes de sous-capitalisation des régimes à prestations déterminés, tout en leur faisant économiser des milliards de dollars de contributions annuelles.

Pas sûr que les employés bénéficiant de ces « généreux » régimes de retraite accepteraient de se faire couper leurs éventuelles rentes de 30% sous prétexte qu'ils bénéficieraient à la retraite d'un mode vie supérieur à leur vie active. Les syndicats de ces employés mèneraient sans doute des luttes acharnées contre la diminution de tels avantages sociaux.

Quoi qu'il en soit, c'est à peine le tiers des travailleurs qui bénéficient d'un régime de retraite d'employeur. Les deux tiers doivent donc eux-mêmes s'occuper de leur planification de la retraite, et ce,  en épargnant par l'entremise du REER. Manifestement, la retraite s'annonce difficile pour la plupart d'entre eux.

Faut-il en rire ou en pleurer?

Aussi incroyable que cela puisse paraître, les droits inutilisés de cotisation au REER sont quasi aussi élevés que la valeur des avoirs détenus dans les REER!

À la lumière des dernières données compilées par Statistique Canada sur les régimes d'épargne-retraite, les Canadiens détenaient en 2008 dans leur REER des avoirs d'environ de 700 milliards de dollars alors que les droits inutilisés s'élevaient à 540 milliards.

Cela démontre hors de tout doute qu'une très grande partie des travailleurs n'ont pas les moyens d'épargner autant qu'ils le devraient en vue de leur retraite.

Encore plus inquiétant, à peine 6 familles canadiennes sur 10 détenaient un REER, selon la dernière « Enquête sur la sécurité financière de 2005 », de Statistique Canada. Ces familles (on fait référence aux familles non encore retraitées) possédaient dans leur REER une valeur médiane d'à peine 25 000$.   Les mieux nanties détenaient dans leur REER une valeur médiane nette de 111 000 et les moins nanties une valeur médiane de 6000$ ou moins.

Et dire que 40% des familles ne détenaient pas de REER. Remarquez que le portrait des détenteurs des REER s'est probablement amélioré quelque peu depuis cette enquête de 2005.

Mais à l'exception des gens à revenu très élevé, voire ceux qui gagnent 100 000$ et plus par année, les familles n'accumulent pas assez d'épargne dans leur REER pour pouvoir se la couler douce à la retraite.

Sachez qu'à 5% de rendement annuel composé, un capital de 100 000$ de REER vous rapporterait à peine 8024$ par année, pendant 20 ans. C'est donc dire qu'avec un REER de 300 000$, vous encaisseriez durant cette même période un revenu annuel de 24 072$. Et un REER de 500 000$ rapporterait pour sa part sur 20 ans un revenu annuel de 40 000$.  Ce qui n'est quand même pas la mer à boire.