S'il est une chose qui préoccupe tout le monde par les temps qui courent, c'est bien le mauvais état de santé de l'économie américaine.

Les pays exportateurs ne peuvent plus compter sur le consommateur américain, longtemps considéré comme la locomotive de l'économie mondiale: l'indice de confiance des consommateurs demeure à des niveaux abyssaux. Les propriétaires voient les prix de leurs maisons s'effondrer.

Surtout, les chiffres concernant le déficit commercial et le déficit budgétaire ont de quoi faire paniquer.

Le déficit commercial, c'est-à-dire la différence entre les exportations et les importations, représente beaucoup plus qu'une statistique. Il reflète la capacité d'une économie à innover, à augmenter sa productivité, à prospecter de nouveaux marchés dans un monde de plus en plus compétitif. Or, le déficit commercial américain frôle les 600 milliards (tous les montants, dans cette chronique, sont exprimés en dollars américains). Les Américains se font planter par les Chinois, c'est aussi simple que cela.

Le déficit budgétaire, c'est-à-dire la différence entre les recettes et les dépenses de l'État, est lui aussi beaucoup plus qu'une statistique. C'est le baromètre des finances publiques. Un déficit élevé exerce des pressions énormes sur les budgets de la santé, de l'éducation, des infrastructures, et éventuellement sur le portefeuille des contribuables. Le déficit budgétaire américain frôle les 1200 milliards. Un chiffre qui donne le vertige: mille deux cent milliards, placés à 2% d'intérêt par année, rapportent 28 millions de l'heure! C'est ce poids que les Américains sont condamnés à supporter. Et selon certaines prévisions, ce chiffre risque d'être défoncé d'une couple de centaines de milliards en fin d'exercice! Les finances publiques américaines sont dans un cul-de-sac, c'est aussi simple que cela.

Sommes-nous en présence d'une situation désespérée?

Voyons cela.

Le déficit commercial comptabilise les échanges de marchandises. Il ne tient pas compte des services, du compte voyage, des revenus de placement, du rapatriement des profits et des dividendes. Si on additionne tout cela, on obtient le solde du compte courant, qui chiffre de façon beaucoup plus précise l'ensemble des échanges d'un pays avec l'étranger. Par exemple, lorsque la filiale d'une entreprise américaine en Chine envoie son dividende au siège social aux États-Unis, cela contribue à financer une partie du déficit commercial. Même chose pour les dollars que les touristes québécois laissent à Disneyland.

À ce chapitre, les Américains réalisent un surplus de 200 milliards. Le déficit au compte courant est donc de 400 milliards, nettement moins élevé que le déficit commercial de 600 milliards.

Le chiffre demeure énorme, mais il faut se rappeler que tout ce qui concerne les États-Unis est énorme. Pour faciliter les comparaisons internationales, il faut tenir compte de la taille de chaque économie. Ainsi, le déficit américain au compte courant représente 3,1% du produit intérieur brut (PIB). Le déficit équivalent, pour le Canada, est de 1,8% du PIB. Les États-Unis n'ont rien à envier de pays comme l'Australie (déficit de 3,8% du PIB), la République tchèque (3,3%), le Brésil ou l'Italie (2,7%). Et on ne parle même pas de cas problèmes comme l'Espagne (4,4%) ou la Grèce (6,2%).

Lorsqu'il y a des déficits quelque part, cela signifie forcément qu'il y a des surplus ailleurs. À cet égard, les Pays-Bas (surplus de 5,9%), l'Allemagne (5,2%), la Chine (4,9%) et le Japon (3,3%) continuent de tirer leur épingle du jeu.

Quant au déficit budgétaire de 1200 milliards, c'est évidemment un record. Comme tous les autres pays, les États-Unis ont été durement touchés par la récession (qu'ils ont d'ailleurs largement contribué à créer). En 2010, à quelques rares exceptions près, tous les pays du monde, y compris la Chine dont on parle tant, sont en déficit budgétaire. Aux États-Unis, le déficit lié à la crise financière et économique a été amplifié par les baisses d'impôts du président Bush et le financement de la guerre en Irak.

Encore ici, cependant, il faut tenir compte de la taille de l'économie. Par exemple, le Royaume-Uni enregistre cette année un déficit budgétaire de 250 milliards. Cela peut sembler bien petit à côté des États-Unis. Pourtant, ce montant représente 10,4% du PIB britannique. Aux États-Unis, le déficit de 1200 milliards fait 8,9% du PIB. Toutes proportions gardées, la situation est moins grave aux États-Unis qu'au Royaume-Uni.

Plusieurs pays font à peine mieux que les États-Unis: la France (7,9%), le Japon (7,6%), l'ensemble de la zone euro (6,5%), sans compter comme de raison la Grèce (9,5%) et l'Espagne (9,9%).

Il ne s'agit surtout pas de minimiser l'importance des dégâts. Compte tenu du poids des États-Unis dans l'économie mondiale, il est clair qu'ils entraînent le reste du monde dans leurs difficultés. En revanche, si on considère le déficit au compte courant et le déficit budgétaire, on voit que les États-Unis se situent parmi les mauvais élèves de la planète, mais qu'ils sont loin d'être les seuls.