Premier pays à entrer en récession, l'Irlande est l'un des derniers à en sortir. Mais les sévères restrictions budgétaires imposées par Dublin risquent-elles d'étouffer la reprise?

L'Irlande est officiellement sortie de la récession au premier trimestre, son produit intérieur brut (PIB) ayant renoué avec la croissance après deux ans de chute, vient d'annoncer le bureau des statistiques du pays.

Le PIB irlandais a augmenté de 2,7% par rapport au quatrième trimestre 2009 (données corrigées des variations saisonnières). Cela tranche avec la contraction dramatique de 15% de l'économie au cours des deux années précédentes.

Le moteur de cette reprise? Les exportations. Les ventes irlandaises à l'étranger ont grimpé de 6,9% à la faveur d'un euro affaibli. Le plongeon de 15% de la devise européenne face au billet vert américain rend en effet les produits irlandais plus attrayants, surtout dans les secteurs forts de la technologie, de l'alimentation et des produits chimiques.

Le «Tigre celtique», longtemps champion de la croissance en zone euro, avait été son premier membre à entrer en récession, au début de 2008, à la suite de l'assèchement du crédit qui a fait éclater une bulle immobilière complètement folle. Au plus fort du boom immobilier, au début des années 2000, le prix des maisons grimpait de 10 à 15% par an à Dublin, la capitale du pays.

Choc brutal

Mais la crise financière mondiale de 2008-2009 a brusquement anéanti le «miracle irlandais», après une décennie de croissance annuelle d'environ 7%.

Dublin a dû injecter des milliards d'euros pour sauver les banques irlandaises de la faillite l'an dernier. En deux ans, le budget de l'État a aussi viré au rouge et la dette s'est envolée.

Pour rééquilibrer ses finances et restaurer la confiance des investisseurs, le gouvernement a annoncé des coupes budgétaires draconiennes à la fin de 2009, le premier membre du club euro à se servir ainsi du couperet.

On a taillé dans les programmes sociaux afin de ramener le déficit public, actuellement à 12% du PIB, à 2,9% en 2014. Les investissements publics, les allocations familiales et les salaires des employés de l'État seront réduits.

Mais cette rigueur budgétaire, qui a fait école dans les derniers mois dans le reste de l'Europe, n'est pas sans conséquence.

Des économistes craignent que le tour de vis de l'État n'agisse comme un frein sur la consommation. D'ailleurs, les dépenses des Irlandais étaient encore en baisse au premier trimestre 2010 (-0,1%) et le chômage a légèrement grimpé à 13,4% - le taux le plus élevé depuis 1994.

Le FMI a d'ailleurs prédit une autre année de décroissance pour l'Irlande cette année même si, sur le plan budgétaire, on a récemment félicité le gouvernement d'avoir corrigé le tir. L'embellie économique viendra plus tard, en 2011, insiste l'organisme appuyé par l'OCDE et d'autres experts.

Dublin mise beaucoup sur la chute de l'euro, et un peu sur la baisse des prix et des salaires, pour relancer la machine. Son pari s'appuie sur une hypothèse: une fois la confiance rétablie sur les marchés financiers, les ventes à l'étranger vont tirer l'économie et compenser les réductions des dépenses publiques.

Une recette pour les autres?

La recette - devise en baisse et restrictions budgétaires - a déjà fait des merveilles pour l'Irlande dans les années 90, attirant des investissements étrangers tout en stimulant les exportations et l'emploi.

Or, ce remède au goût amer, du moins pour les travailleurs irlandais ces jours-ci, a plus de chances de marcher dans l'île celtique qu'ailleurs en Europe. La raison est simple: l'exportation est un engrais vital pour le pays, représentant un peu plus de 50% de son économie.

C'est une proportion nettement plus élevée que pour les autres «cancres économiques» de l'Europe, y compris la Grèce, dont les exportations ne contribuent qu'à 5% de l'économie. Le Portugal et l'Espagne ne sont guère plus avantagés, avec des taux de 15% et de 20% respectivement.

L'Allemagne - dont 35% du PIB dépend des marchés extérieurs - est aussi bien placée pour profiter d'un euro dégonflé et de la demande asiatique, ce que confirment d'ailleurs les dernières données allemandes.

Pour le moment, la timide renaissance irlandaise est certes encourageante. Tout comme la solide performance de l'Allemagne. Mais la chute de l'euro n'est pas une solution miracle pour tout le monde. Pour les Européens qui vivent dans le sud du continent, l'herbe semble nettement plus verte chez les voisins du Nord ces jours-ci.