Ne nous leurrons pas. Si le Grand Prix du Canada est de retour sur le Circuit Gilles-Villeneuve la semaine prochaine, c'est grâce à nous, contribuables.

Sur les 15 millions de dollars que l'on versera à l'organisation de Bernie Ecclestone, les deux tiers viennent directement de nos poches, soit 5 millions du fédéral, 4 millions de Québec et 1 million de Montréal. La somme restante (5 millions) provient de Tourisme Montréal.

La question à 10 millions de dollars : en cette difficile période où les gouvernements sont tous aux prises avec d'énormes déficits, est-ce intelligent d'investir une telle somme dans une course de chars, aussi prestigieuse soit-elle?

Le financement public du Grand Prix à Montréal est-il, comme le prétend le ministre des Finances Raymond Bachand, un bon « deal » d'affaires?

Sur quels arguments financiers, lui et ses deux acolytes, le ministre fédéral des travaux publics Christian Paradis et le maire Gérald Tremblay, s'appuient-ils pour verser, durant les cinq années de l'entente, une subvention annuelle récurrente de 10 millions de dollars au grand manitou de la Formule 1 ?

Nos trois bailleurs de fonds du Grand Prix se fient sur les retombées fiscales calculées par les experts du ministère des Finances du Québec à partir des éditions précédentes du Grand Prix du Canada.

Combien ça rapporte ? Selon le ministère des Finances, la tenue du Grand Prix rapporterait annuellement des retombées fiscales de 20 millions de dollars.

La grosse part du gâteau fiscal aboutit dans les coffres du gouvernement du Québec, soit une somme totale de revenus fiscaux de 10,2 millions, répartie comme suit :

- Impôt des particuliers : 3,3 millions

- Fonds des services de santé : 1,2 million

- Taxe de vente : 4,6 millions

- Impôt des sociétés : 1,1 million

La portion restante du gâteau fiscal, soit 7,8 millions, tombe pour sa part dans les coffres du gouvernement fédéral. La provenance ?

- Impôt des particuliers : 2,9 millions

- TPS : 3,1 millions

- Impôt des sociétés : 1,8 million

On résume le portrait : en retour de leurs subventions annuelles de 9 millions, Québec et Ottawa récolteraient des recettes fiscales de l'ordre de 20 millions. Vu sous cet angle financier, il appert de toute évidence que le ministre Bachand aurait raison de qualifier la nouvelle entente de cinq ans avec Ecclestone de bon « deal » d'affaires.

Mais qu'en est-il de la ville de Montréal et de son investissement annuel d'un million de dollars ? La ville ne peut percevoir aucune taxe ni impôt, Québec et Ottawa mettant la main sur toutes les retombées fiscales.

Qu'à cela ne tienne, personne ne peut reprocher au maire Gérald Tremblay d'avoir déployé de véritables efforts pour convaincre Québec et Ottawa de l'aider à ramener le Grand Prix à Montréal. Une parenthèse : l'homme clé derrière les négociations pour ramener le Grand Prix est l'ancien ministre conservateur, Michael Fortier, aujourd'hui conseiller au cabinet légal Ogilvy Renaud et à la banque d'investissement Morgan Stanley.

Quand on regarde les retombées économiques et touristiques (89 millions selon le ministère des Finances) que génère le Grand Prix sur le territoire montréalais, il faudrait être de mauvaise foi pour affirmer que le maire gaspille ici un million de dollars.

D'ailleurs, la ville de Montréal rentre dans son argent avec les seules recettes qui proviennent notamment de la location du Circuit Gilles-Villeneuve pour le week-end par l'organisation du Grand Prix, le surplus d'achalandage du métro pour les quatre jours d'activités de l'événement, l'accroissement des recettes de stationnement sur les rues de Montréal pendant les festivités du Grand Prix...

Cela augure donc bien puisque l'édition de 2008 était une année record alors que 121 000 spectateurs avaient assisté à la course du dimanche. Pour les trois jours du Grand Prix, on parle d'un chiffre record de 319 000 spectateurs.

Les ventes hors-Québec, précise M. Dumontier, atteignent 40% des spectateurs, dont 18% en provenance des États-Unis et de l'Amérique Latine, 18% de l'Europe et de l'Asie, et 4% des autres provinces canadiennes. Ajoutons à ce groupe de touristes extrêmement payants pour l'industrie touristique montréalaise le contingent des 1200 personnes qui parcourent la planète avec les écuries de la Formule 1.

Et sur la scène locale, comment s'annonce la vente de billets après une année d'absence ?

« Les Québécois représentent 60% de notre clientèle. À voir les résultats de la billetterie, je peux vous affirmer que notre noyau d'amateurs de F1 demeure tout aussi important que lors du Grand Prix de 2008. Malgré le retrait de l'épreuve de 2009, les amateurs sont massivement revenus », ajoute François Dumontier.

En passant, il est important de noter ici qu'en plus des retombées fiscales, les trois paliers de gouvernement récolteront 30% des revenus de la billetterie du Grand Prix.

Du côté des commanditaires, la chasse semble toutefois avoir été plus ardue. Il lui a fallu doubler d'effort pour réussir à vendre les commandites aux entreprises. Une déception pour M. Dumontier: il n'a pas réussi à dénicher un commanditaire en titre, aucune multinationale canadienne ou québécoise n'ayant manifesté le désir de se promouvoir à l'international à même l'immense impact médiatique du Grand Prix du Canada, lequel est télédiffusé dans 140 pays et suivi par 350 membres de la presse internationale.

Peut-être que les commanditaires potentiels ont peur des sautes d'humeur de Bernie Ecclestone. Tout le monde sait qu'il est excessivement dur en affaires. Il suffit de se rappeler la façon brutale avec laquelle il a retiré en 2008 le Grand Prix à son ancien ami, l'émérite promoteur Normand Legault.