Les Bourses et les devises plongent. Mais la crise européenne a aussi fait chuter les prix du pétrole, une bouffée d'air pour des millions d'Américains et d'Asiatiques.

Épreuve douloureuse pour les uns. Cadeau du ciel pour les autres.

La crise européenne a certes l'effet du sel sur les plaies des boursicoteurs, qui ne sont toujours pas remis de la débâcle financière américaine. Mais elle agit comme un baume pour des millions de consommateurs.

Aux États-Unis en particulier, la chute des prix du brut et des métaux dans les derniers temps pourrait même s'avérer un important stimulant économique au moment où la première économie mondiale se remet en marche.

Le baril de brut, qui semblait parti pour franchir la barre des 90$US ou même des 100$US au début du mois d'avril, a chuté sous les 70$US mardi dernier avant une remontée rapide, mais incertaine, aux environs de 73-74$US à la fin de la semaine.

Ce plongeon d'environ 20% en deux mois, aggravé par la panique des investisseurs et la hausse du billet vert, a eu un effet sur les prix à la pompe aux États-Unis.

Lundi dernier, le prix de l'essence s'est retrouvé à 2,79$US le gallon en moyenne au pays, selon l'American Automobile Association (AAA). Or, cela se compare à 2,85$US en avril et à plus de 4$US le gallon à l'été 2008, au moment où le prix du pétrole touchait 145$US le baril.

Au diable la Bourse

Pour le travailleur américain, qui étouffe sous la menace du chômage élevé, cette glissade est une bouffée d'air frais. Car selon First Command Financial Services, la majorité des Américains se préoccupent davantage du coût de l'énergie que des tensions boursières.

Les consommateurs qui se disent affectés par les hausses des prix de l'essence sont en effet deux fois plus susceptibles de réduire leurs dépenses que les gens qui suivent les girations de la Bourse, indique une étude de cette firme texane.

Et comme le premier camp est plus nombreux, l'«eurocrise» aurait donc un effet favorable sur la consommation - toujours responsable de 70% de l'économie américaine.

Même à Wall Street, on voit de plus en plus les bons côtés de la crise: dans une étude, Goldman Sachs estime que le repli des prix de l'essence incitera les Américains à dépenser davantage au cours de l'été, même si l'emploi demeure un facteur plus important sur le plan économique.

D'après Goldman, un recul de 10$US du prix du baril de pétrole fait économiser 20 milliards US aux ménages américains sur une base annuelle. Depuis le début de la crise européenne, on parle donc de 20 à 30 milliards US de plus dans les poches des Américains si, évidemment, les prix se maintiennent aux niveaux actuels pendant un certain temps.

Des experts avancent aussi que la remontée surprise de la confiance des Américains, selon un sondage publié la semaine dernière, n'est pas étrangère à la baisse des coûts du carburant.

Même que le retour du brut à un niveau «plus modeste» que les 80$US souhaités par les pays de l'OPEP sera «bénéfique» à l'économie mondiale, confirme une étude du cabinet londonien Centre for Global Energy Studies (CGES).

«Des cours à 70$US sont proches de la perfection (...), ils restent très acceptables pour l'OPEP et ne devraient pas causer trop de tort à une fragile reprise», renchérit Christophe Barret, analyste de Calyon cité par l'AFP.

L'Asie en profite

Le séisme budgétaire européen a aussi provoqué des secousses inattendues à l'autre bout du monde.

Forts de leur énorme pouvoir d'achat, la Chine et des pays asiatiques ont profité de la crise pour faire annuler une lourde surcharge sur le prix du pétrole que l'OPEP impose à ses clients asiatiques depuis plus de 20 ans.

Si bien que les Asiatiques payaient 6,37$US de moins que les Européens pour un baril de brut le mois dernier, selon une publication de l'industrie pétrolière. Cet écart témoigne de la baisse de l'euro, mais aussi de l'abandon de la «surcharge asiatique» d'environ 1,20$US qui était en vigueur depuis 1988.

Des experts, cités par le Wall Street Journal, parlent d'un changement «historique» sur la planète pétrolière. Sans compter que des millions d'Asiatiques profiteront d'un rabais inespéré sur le prix du carburant. Un autre «plus» pour la consommation dans la région.

Preuve encore que les tempêtes financières ont au moins ça de bon: elles peuvent chambarder le paysage économique, parfois pour le mieux.