Les politiciens ne font pas de miracles. Pourtant, c'est exactement ce qu'on espère d'eux. On s'attend à ce qu'ils multiplient les poissons et les pains: les dégrèvements et les subsides. Qu'ils soignent gratuitement les malades (en imposant les mains, peut-être ?) et transmettent gratuitement la connaissance. Qu'ils ne nous accablent pas de leurs lois et commandements, mais éloignent plutôt de nous le calice des vicissitudes de la vie: l'ignorance, l'insécurité, la pauvreté, la vieillesse et même l'étourderie!

Les politiciens ne font pas de miracles. Pourtant, c'est exactement ce qu'on espère d'eux. On s'attend à ce qu'ils multiplient les poissons et les pains: les dégrèvements et les subsides. Qu'ils soignent gratuitement les malades (en imposant les mains, peut-être ?) et transmettent gratuitement la connaissance. Qu'ils ne nous accablent pas de leurs lois et commandements, mais éloignent plutôt de nous le calice des vicissitudes de la vie: l'ignorance, l'insécurité, la pauvreté, la vieillesse et même l'étourderie!

Bref, l'État est sommé de tout donner sans rien prendre, de tout régler sans se mêler de rien...

C'est évidemment impossible.

De sorte que l'espoir, forcément déçu, disparaît bientôt pour faire place au cynisme. Ou alors à la colère vengeresse, comme chez les Grecs, où l'État sera dorénavant forcé de donner beaucoup moins et de prendre beaucoup plus...

* * *

Traditionnellement, parler de cynisme à l'endroit de la classe politique consiste à pointer du doigt la corruption, la dilapidation, l'immobilisme et le mensonge. Et, bien sûr, tout ça existe, surtout ces temps-ci! Chaque jour apporte son scandale, le dernier en lice étant celui qui a valu au ministre de la Famille, Tony Tomassi, d'être exclu du cabinet et du caucus libéral.

Cependant, les revendications irréalistes sont, sur le long terme, un générateur de cynisme aussi puissant que toutes ces «affaires».

Les cas de corruption ou de mensonge sont ponctuels, en effet, et attribuables à une poignée de «ripoux» qu'on peut théoriquement écarter par les urnes ou par la prison. Les folles attentes, elles, sont permanentes. Et elles tendent toujours davantage vers l'impossible et donc vers l'échec.

Qui croit une seule seconde qu'une loi contre la pauvreté (Québec, 2002) éliminera la pauvreté? Qui croit qu'un État se prononçant sur la musique à bannir des cuisines de restaurant (Territoires du Nord-Ouest, 2008) apportera le bonheur? Qui croit qu'un «droit au tourisme» (Union européenne, 2010) a la moindre chance d'être un jour réel?

Et question plus intéressante encore: que se passe-t-il lorsque le Québécois pauvre reste pauvre, lorsque le cuisinier nordique change de CD, lorsque le vacancier belge est prisonnier de Balconville?

Déception puis cynisme, évidemment.

Autre chose encore: qui demande l'impossible aux politiciens? Certainement pas le citoyen lambda, anonyme, sans voix, qui paie la facture et sait donc pertinemment ce que peut accomplir un dollar - le sien - cédé à l'État: presque rien.

En fait, il existe une industrie vouée essentiellement à la fabrication de la demande irréaliste. On pense spontanément à certains syndicats - ceux, en particulier, qui ne risquent rien à nourrir des chimères. Mais ils sont loin d'être seuls. Tout groupe de pression, professionnel, industriel, patronal, environnemental, populaire, réclame de l'État des miracles.

Eux aussi manufacturent aujourd'hui le cynisme de demain.