L'économie de la Chine croît de manière fulgurante. Mais son ascension va se heurter à un plafond démographique incontournable: 176 millions de Chinois ont plus de 60 ans. Et le vieillissement de la population s'accélère.

La Chine s'enrichit mais, en même temps, elle vieillit. Rapidement.

Aujourd'hui, 176 millions de Chinois, ou près de 13% de la population, ont plus de 60 ans, selon des chercheurs américains et européens. Avec ses 1,3 milliard d'habitants, l'État le plus peuplé du monde est aussi celui qui compte le plus de personnes âgées.

Or, en 2020, la Chine comptera 248 millions d'habitants de plus de 60 ans, soit 17% de sa population, et en 2050 environ 24% - ou près d'un Chinois sur quatre, estime le Center for Strategic and International Studies, organisme de recherche établi à Washington.

Des niveaux intenables si, comme aujourd'hui, les deux tiers des habitants en région n'ont pas de retraite et les infrastructures en matière de santé sont insuffisantes, déplorent des spécialistes.

«Le vieillissement de la population va être un énorme problème social», a affirmé récemment à des médias asiatiques Wang Xiaoyan, fondatrice de la Community Alliance, l'une des rares ONG à s'occuper des retraités chinois.

Autrement dit, on a un grand problème sur les bras dans l'empire du Milieu: l'économie étincelante ne produit pas beaucoup d'enfants et des millions de Chinois seront vieux avant de devenir riches.



Enfant unique


Divers facteurs contribuent au phénomène du vieillissement accéléré en Chine.

D'abord, la politique de l'enfant unique. Instaurée en 1979, cette mesure était sans pitié dans les années 80 et 90 pour les «délinquantes»: ainsi, une femme travaillant pour une société publique qui mettait au monde un deuxième enfant était sévèrement sanctionnée. Certaines risquaient même la suspension de salaire pendant des mois.

Évidemment, cela a eu un impact considérable. La politique de l'enfant unique aurait empêché la naissance de 400 millions de Chinois, selon les estimations de Pékin.

De plus, les habitudes changent en Chine. Beaucoup de jeunes gens, davantage préoccupés par leur épanouissement professionnel et social, ne veulent pas d'enfant.

Sans oublier que l'allongement de l'espérance de vie accroît le nombre de têtes grises: de 40 ans seulement dans les années 50, elle est passée aujourd'hui à 73 ans.

Où sont les femmes?

Autre facteur qui alimente le «papy-boom» en Chine: le célibat d'un grand nombre d'hommes. Beaucoup ne trouvent pas d'épouse du fait du manque de femmes - autre conséquence de la politique de l'enfant unique qui a amené de nombreuses familles à ne garder que le garçon.

Résultat: en Chine, comme dans plusieurs pays asiatiques, on compte aujourd'hui moins de femmes que d'hommes.

Un phénomène dont les effets pervers commencent à se faire sentir. Les démographes les appellent les «femmes manquantes», celles qui auraient dû naître et qui ont été éliminées à cause de leur sexe.

Selon un rapport de l'ONU, dévoilé lundi dernier à l'occasion de la Journée internationale de la femme, près de 100 millions de femmes ont en quelque sorte «disparu» en Asie pour diverses raisons liées aux inégalités entre les sexes. C'est autant d'hommes qui sont menacés de ne pas trouver de conjointe, aggravant le déséquilibre démographique.

Le gouvernement chinois est préoccupé, offrant une protection sociale aux parents de filles pour leur garantir une retraite et leur montrer qu'une fille peut aussi assurer la sécurité de leurs vieux jours.

Entre-temps, les têtes grisonnantes se multiplient en Chine. Beaucoup vivent seules, leurs enfants étant partis travailler loin du foyer parental.

Aussi, à la veille de l'Assemblée du peuple à Pékin la semaine dernière, Zhang Yin, l'une des femmes les plus riches de Chine, a appelé à des changements dans la politique de natalité de l'État.

«Il faut autoriser tous les couples chinois à avoir deux enfants, d'ici trois à cinq ans», a plaidé Mme Yin, citée par le quotidien français Le Soir. Sinon le pays fait face à un sérieux casse-tête, prévient-elle.

Pour le moment, la Chine est la locomotive de l'économie mondiale. Et cela n'est pas à la veille de changer. Mais la grosse machine chinoise prend de l'âge et risque un jour d'être devancée par des pays plus dynamiques et plus jeunes.

Lequel, par exemple? L'Inde, dont les plus de 60 ans représentent moins de 6% de la population. Un concurrent de taille. L'empire peut bien se faire des cheveux gris.