Les décès récents d'un homme en attente d'une chirurgie et d'une dame parquée dans le couloir d'une salle d'urgence ont soulevé une indignation justifiée. Malheureusement, politiciens, commentateurs démagogues et lobbies syndicaux et professionnels se sont emparés de ces tragédies pour promouvoir leurs intérêts étroits, au détriment d'une amélioration ordonnée de la performance du système de santé.

Hier, le député péquiste Bernard Drainville a tenu le premier ministre Charest et le ministre Bolduc «personnellement responsables» de ces décès. L'affirmation est abjecte, mais les libéraux sont mal placés pour s'en plaindre, eux qui ont tenu des propos tout aussi excessifs lorsqu'ils étaient dans l'opposition, eux qui en 2003 ont fait des promesses irresponsables qu'ils n'ont évidemment pas pu tenir.

 

Yves Bolduc est un mauvais communicateur. En politique, c'est une faiblesse qui ne pardonne pas. Cela ne fait pas de lui le responsable de chaque raté du système. Cette personnalisation des problèmes a depuis longtemps rendu le ministère de la Santé ingérable. Parce que tous les problèmes sont mis sur le dos du ministre, celui-ci intervient personnellement dans tout. Selon que l'attention publique se porte sur les urgences, sur l'hébergement des personnes âgées, sur les listes d'attente en chirurgie ou sur la dernière épidémie de grippe, le ministre fait pression pour que le problème du jour soit réglé dans les plus brefs délais. Ces décisions à courte vue ont forcément des impacts dans d'autres secteurs du réseau; on le constate plus tard... à l'occasion d'une autre crise. Cette gestion en mode panique a été dénoncée par la commission Clair en 2000 et à nouveau par le groupe Castonguay huit ans plus tard. En vain.

Il y a plus de 20 ans, la commission Rochon déplorait le fait que le système de santé soit l'otage des groupes d'intérêts qui s'y étaient constitués. On en est encore là. Au cours des dernières semaines, les syndicats des employés du réseau et les fédérations de médecins ont fait part de leurs demandes salariales. Plus d'argent, toujours plus d'argent. Pas pour améliorer les soins, mais pour mieux payer ceux qui y travaillent. Les contribuables québécois paient aujourd'hui 11 milliards de plus qu'il y a 10 ans pour la santé. Onze milliards! Et il y a encore des gens qui meurent sur des listes d'attente? Des personnes abandonnées à l'urgence pendant deux, trois, quatre jours?

Quelles que soient ses faiblesses, Yves Bolduc ne porte pas seul la responsabilité des failles du système de santé. La responsabilité est collective; c'est celle des politiciens de toutes couleurs et des lobbies de toutes sortes qui, tout en se prétendant les défenseurs des malades, pensent d'abord et avant tout à leurs intérêts partisans, corporatistes et pécuniaires.