Profitant de ses progrès technologiques et de la proximité de la Chine, la Corée du Sud fait des gains à l'international sur tous les marchés: les voitures, l'électronique et même le nucléaire. Le monde industriel est impressionné.

Usines qui tournent à plein régime, exportations records, économie en ébullition: les Tigres asiatiques, comprenant Taiwan et la Thaïlande, rugissent à nouveau. Or, l'un de ces félins étend son territoire de chasse au-delà de ses frontières habituelles: la Corée du Sud s'installe peu à peu dans la cour des grands.

L'économie sud-coréenne, 13e au monde, est maintenant presque aussi importante que celle de l'Inde, dont la population est pourtant au moins 20 fois plus nombreuse.

La percée coréenne sur le marché des exportations, en particulier, est remarquable: celles-ci devraient progresser de 20%, voire 30% au premier trimestre, selon le gouvernement. Les Coréens exportent maintenant plus que les Britanniques. Et, bien sûr, cela profite à l'économie locale, qui croîtra au rythme de 5 à 6% cette année, selon les experts.

Principaux moteurs de cette poussée, les groupes industriels coréens font chaque jour des gains majeurs à l'échelle internationale.

Samsung, jadis vu comme une piètre imitation du japonais Sony, vient de surpasser l'américain Hewlett Packard au premier rang mondial, sur le plan des ventes, dans le secteur des composants électroniques. Sans compter que Hyundai et Kia augmentent constamment leur part du marché de l'automobile aux États-Unis.

Investissements et technologies

La Corée accumule les succès, mais ce n'est pas le fruit du hasard.

Alors que le monde était ébranlé par la crise financière, les entreprises sud-coréennes ont continué à investir pour profiter de la reprise éventuelle.

Les investissements du secteur privé, en machinerie et en technologies, ont grimpé de 10,4% au troisième trimestre 2009, selon l'agence Bloomberg. Par comparaison, les dépenses des concurrents japonais ont chuté de 26% durant cette période.

Bref, au lieu de se barricader, les Coréens ont misé sur la productivité. Un pari réfléchi et judicieux.

Qui plus est, la devise sud-coréenne - le won - a souffert durant la tempête financière. Si bien que le won a reculé d'environ 20% par rapport au billet vert américain en 2 ans, tandis que le yen s'appréciait de 20%.

Pour les exportateurs coréens, c'est du bonbon. Car l'électronique et les voitures sud-coréennes sont davantage une aubaine aujourd'hui pour les étrangers qui profitent d'un taux de change «sous-évalué», selon des experts.

Et comme les autres Tigres asiatiques, la Corée du Sud s'épanouit dans l'ombre du Dragon chinois. Grâce à l'impact de la Chine, le pays dépend moins de l'Occident, qui porte encore les marques de la récession: près des trois quarts des exportations coréennes, en 2009, ont été dirigées vers les pays émergents, alors que c'était la moitié en 2000, selon le Fonds monétaire international (FMI).

Tout baigne pour les Coréens, donc. D'où l'expression «cercle vertueux», qui revient souvent dans les propos des économistes qui parlent du pays. «Les bases économiques et financières de la Corée sont remarquablement solides», a commenté récemment Barry Eichengreen, économiste américain rattaché au FMI.

La pieuvre industrielle s'étend

Toutefois, c'est au tournant de 2010 que les Coréens ont vraiment capté l'attention du monde industriel.

Après avoir rejeté une soumission deux fois plus chère d'un groupe français, les Émirats arabes unis ont accordé un supercontrat au sud-coréen Kepco pour l'aménagement de quatre centrales nucléaires. Une affaire de 20 milliards US. Et Séoul prévoit maintenant des retombées de 400 milliards d'ici 20 ans avec la filière nucléaire.

Avec ce contrat, c'est comme si le monde réalisait enfin que, dans la péninsule coréenne, on sait faire autre chose que des gadgets électroniques, des voitures économiques et des cargos.

Les Japonais, eux, ont compris. Panasonic et Sony désignent ouvertement Samsung comme leur principal concurrent aujourd'hui.

Or, les succès de la Corée sont à l'image de ce qui se passe en Orient: plusieurs pays débordent les secteurs traditionnels du textile et des «bébelles» bon marché. L'Asie fait d'importants gains dans les secteurs de pointe.

À cet égard, une donnée est plutôt révélatrice: les demandes de brevets déposées en 2009 auprès de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) confirment les ambitions asiatiques.

Appauvris par la crise, les pays industrialisés ont sabré dans la R&D depuis un an ou deux. Or, l'Asie a poursuivi ses investissements. Résultat: trois pays sur les cinq premiers au palmarès des brevets de l'OMPI sont d'Asie: le Japon, la Chine et, évidemment, la Corée du Sud.

On s'est longtemps moqué de leurs microvoitures ou de leurs gadgets. Mais les Coréens cultivent la patience et l'acharnement. Comme on dit dans ce pays, la goutte d'eau finit avec le temps par creuser le roc.