Pour des raisons financières, le gouvernement Charest a suspendu l'automne dernier la mise en place d'un nouveau programme d'aide financière destiné aux paraplégiques, quadriplégiques et autres handicapés physiques qui ont recours à un chien d'assistance. Autorisé par l'ancien ministre de la Santé et des Services sociaux Philippe Couillard, ce programme n'aurait pourtant coûté qu'une somme minime d'à peine 400 000$ par année. Il s'agissait d'accorder à quelque 300 handicapés une aide annuelle de 1200$ pour payer les frais d'entretien d'un chien d'assistance.

On parle donc ici d'une peccadille par rapport au budget annuel de 27 milliards du ministère de la Santé et des Services sociaux, voire 1 millième de 1%! En passant, ce genre de programme existe déjà pour les chiens-guides des personnes non voyantes.

Qu'à cela ne tienne, le 22 octobre dernier, la sous-ministre adjointe aux Services sociaux, Marie-Claude Champoux, a annoncé aux défenseurs des droits des handicapés la suspension indéfinie du dossier concernant la couverture des frais reliés à l'utilisation de chiens d'assistance à la motricité. Le chien d'assistance remplit cinq fonctions auprès des personnes handicapées: la préhension (ramasser des objets), l'appui et le transfert (d'un lieu à l'autre), le support et le déplacement (aide à la marche), la traction (tirer un fauteuil roulant), l'alerte (rôle de gardien et de surveillant 24 heures sur 24).

Dans une lettre adressée à Pierre-Yves Lévesque, directeur général de l'organisme Ex Aequo, Mme Champoux a écrit: «Nous avons cependant le regret de vous informer que pour des raisons financières, le projet est actuellement mis en suspens. Par le fait même, il nous est impossible, pour le moment, de vous soumettre un nouvel échéancier.»

«Sachez cependant que la question relative aux frais d'utilisation de chiens d'assistance demeure pour nous une préoccupation réelle, a-t-elle ajouté, et que dès qu'il nous sera possible d'aller de l'avant, les démarches se poursuivront.»

Les instigateurs et défenseurs de ce programme d'aide financière aux handicapés se déplaçant avec un chien d'assistance, tels les dirigeants de Mira et d'Ex Aequo, sont en colère contre le gouvernement Charest, et son ministre de la Santé et des Services sociaux, Yves Bolduc.

Cela fait plus d'une décennie que la Fondation Mira et les organismes voués à la défense des personnes handicapées multiplient les démarches pour convaincre le gouvernement du Québec de verser aux utilisateurs d'un chien d'assistance une modeste aide gouvernementale. «Le but de cette aide? Les aider à payer les coûts annuels engendrés par l'utilisation d'un chien d'assistance (soins vétérinaires, accessoires spécifiques, nourriture, etc.)», explique le psychologue Noël Champagne, directeur de la recherche à la Fondation Mira. Cette fondation donne des chiens-guides et des chiens d'assistance, lesquels sont gracieusement attribués à des personnes handicapées.

M. Champagne trouve inadmissible cette décision du gouvernement Charest de reporter aux calendes grecques ce petit programme d'aide financière lié aux chiens d'assistance, alors que Philippe Couillard l'avait mis sur les rails.

Mais... M. Couillard a quitté la politique. Un nouveau ministre, Yves Bolduc, est arrivé. Pourquoi a-t-il décidé de suspendre le dossier d'aide financière aux handicapés utilisateurs de chiens d'assistance? Son attaché de presse a transmis ma demande au cabinet de la ministre Lise Thériault, déléguée aux Services sociaux. Le porte-parole de Mme Thériault n'a finalement rien ajouté aux raisons évoquées par la sous-ministre adjointe.

Le dossier d'une compensation financière des frais d'entretien du chien d'assistance traîne de la patte au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS) depuis fort longtemps. Dans son rapport d'octobre 2001, un groupe de travail du MSSS avait recommandé la création d'un tel programme d'aide financière.

Dans ce rapport, on mentionnait que «l'utilisation d'un chien d'assistance permet d'économiser près de 60 000$ pendant la durée de vie fonctionnelle de cette aide technique, laquelle est évaluée à 8 ans».

«En conséquence, la littérature (américaine) consultée démontre qu'il y a des économies pour le système de santé et des services sociaux car l'utilisation du chien d'assistance tend à réduire le recours aux autres types d'aides techniques ainsi qu'aux proches et au personnel préposé du réseau attitré au maintien à domicile des personnes handicapées.»

En mai 2007, c'était au tour de l'Agence d'évaluation des technologies et des modes d'intervention en santé (AETMIS), qui a pour mission de conseiller et d'appuyer le ministre de la Santé et des Services sociaux, de recommander d'inclure les chiens d'assistance dans la liste d'aides techniques couvertes par la RAMQ (Régie de l'assurance maladie) et de verser une allocation annuelle aux utilisateurs.

Quel coup de chien de la part du gouvernement Charest que de suspendre pour une période indéfinie le lourd processus ministériel qui avait été enclenché pour mettre de l'avant ladite allocation.