Le crédit demeure péniblement rare pour les PME. La création d'entreprises en souffre également. Pas facile de faire des affaires ces jours-ci quand on est petit. Surtout en Europe.

La crise financière est terminée, mais pas la crise du crédit. À preuve, les prêts consentis par les banques en Europe continuent de se contracter, menaçant la reprise encore fragile de l'économie.

Selon les derniers chiffres de la Banque centrale européenne (BCE), l'encours des crédits bancaires au secteur privé a encore décliné en novembre, à un rythme annuel de -0,7% (après -0,8% en octobre).

L'érosion du crédit, un reflet des banques mal en point et encore frileuses sur le Vieux Continent, concerne davantage les entreprises que les ménages. Pour ces derniers, l'accès au crédit s'améliore graduellement ("0,5% en novembre).

Et parmi les entreprises, ce sont les plus petites, c'est-à-dire celles qui offrent le moins de garanties et qui sont les plus sensibles à la conjoncture, qui sont les plus touchées.

Ainsi, en France et en Allemagne, ce sont les crédits de trésorerie - nécessaires aux PME pour financer leurs activités courantes - qui souffrent le plus. Dans l'ensemble de la zone euro, les prêts à moins d'un an aux sociétés non financières étaient en baisse de 12,1% (en rythme annuel) en novembre, après -11,7% en octobre. C'est un recul majeur.

En Allemagne, 44% des 4000 firmes interrogées dans un récent sondage se plaignent encore des restrictions des banques quant à l'attribution des prêts.

Pour la première fois en plus de trois ans, plus de la moitié des entreprises ont jugé la politique de crédit des banques plus sévère. Si bien que la reprise «pourrait échouer en raison des obstacles au crédit», s'inquiète ces jours-ci l'institut économique allemand Ifo.

Fondamentalement, le problème est partout pareil: on encourage les banques à prêter pour éviter d'étouffer la reprise. La BCE a d'ailleurs maintenu très bas son taux directeur, à 1%, jeudi dernier. Mais les banques centrales ne peuvent inciter les prêteurs à prendre trop de risques, sous peine de devoir voler à nouveau à leur secours.

Se lancer en affaires?

De plus, la crise du crédit ralentit l'ardeur des chômeurs qui voudraient bien se lancer en affaires, faute de dénicher un emploi. L'accès difficile au financement leur coupe littéralement les ailes, selon un nouveau rapport.

Selon le Global Entrepreneurship Monitor (GEM), la création d'entreprises a fondu de 10% l'an dernier dans les 20 pays les plus riches du monde.

Le recul a été plus sévère aux États-Unis, soit -24%, tandis que le Royaume-Uni accuse une baisse de 6% (l'étude ne fournit pas de données récentes sur le Canada).

Le GEM, un programme qui a été créé par la London School of Economics, au Royaume-Uni, et le Babson College, aux États-Unis, scrute l'activité dans 54 pays. Pour les chercheurs, la cause principale du problème est claire.

«Partout dans le monde, les aspirants entrepreneurs font état de difficultés croissantes à obtenir un soutien financier pour leur projet de démarrage», explique Bill Bygrave, du Babson College, à Wellesley, au Massachusetts.

Selon lui, l'argent disponible pour la création d'entreprises dans les 33 pays analysés par le GEM a chuté de 12,5% l'an dernier, à environ 350 milliards US.

L'Europe en panne

Tout le monde s'entend pour dire que les PME, qui créent beaucoup d'emplois, constituent un moteur économique vital pour tous les pays. Mais le problème du sous-financement risque de toucher surtout les Européens.

Les entreprises de moins de 250 employés embauchent 70% des travailleurs du secteur privé en Europe, comparativement à 67% au Japon et à 49% aux États-Unis, selon la BCE. En comparaison, les PME canadiennes (moins de 500 employés) regroupent environ 55% de la main-d'oeuvre, d'après Statistique Canada.

Devant la crise persistante du financement, l'Europe se mobilise. Le gouvernement allemand vient de nommer un médiateur du crédit chargé de régler les litiges entre banques et entreprises.

En France, une quinzaine d'entreprises et d'ex-banquiers bien en vue songent à créer leur propre banque, sous forme de coopérative, pour pallier le manque de crédit, selon le quotidien La Tribune. Bref, la révolte s'organise.

Entre-temps, les entreprises accusent les banques. Les banques, elles, accusent la conjoncture. Une chose est sûre: il n'y aura pas de reprise durable sans du crédit abondant et bon marché.