Cou'donc, les gestionnaires de portefeuilles de la Caisse de dépôt et placement du Québec sont-ils «poches» au point de les remplacer par des fonds qui singent les grands indices financiers?

Ma collègue Hélène Baril a rapporté jeudi que la Caisse avait offert à ses déposants d'investir dans des fonds indiciels au lieu de confier leur capital à ses gestionnaires de portefeuilles.

J'ai perçu dans cette offre inusitée un profond désaveu de la capacité des gestionnaires professionnels de la Caisse à battre sur une base régulière les fonds indiciels. Je vous rappelle que les fonds indiciels se contentent de copier intégralement la composition des portefeuilles des divers indices financiers, soit ceux des grandes bourses (S&P/TSX de Toronto; S&P 500 de New York; MSCI EAEO actions étrangères; etc.) ou du marché obligataire (DEX bons du trésor, DEX obligations gouvernementales long terme, etc.), et autres indices sophistiqués.

La nouvelle direction de la Caisse, avec Michael Sabia à sa tête, a-t-elle à rougir de la performance passée de ses gestionnaires professionnels qui ont fait fructifier le capital des déposants de la Caisse? Je comprends que l'année 2008 fut désastreuse... Mais est-ce un cas récurrent?

J'ai donc décidé de vérifier la performance historique des gestionnaires des divers portefeuilles de la Caisse. Eh bien, premier constat: si j'étais un déposant, j'y penserais à deux fois avant de remplacer les gestionnaires de la caisse par des fonds indiciels.

Sur les 16 dernières années, soit de 1993 à 2008, les gestionnaires de la Caisse se sont fait battre à seulement six reprises par l'indice de référence qui permet de comparer la performance globale de la Caisse à celle de la moyenne pondérée des indices des diverses catégories d'actifs (actions, obligations, placements privés, immeubles, etc.).

Qui plus est, trois de ces six années de contre-performance globale présentent un minime écart négatif d'à peine un demi-point de pourcentage.

À la lumière de l'analyse de La Presse Affaires, il m'apparaît évident que le désastre de l'année 2008 est un gros accident de parcours. Si la tendance à long terme se maintient, il appert que les déposants de la Caisse ne feraient pas une bonne affaire en privilégiant les fonds indiciels au détriment des gestionnaires de portefeuilles.

Regardons maintenant de plus près la performance sectorielle des gestionnaires de portefeuilles de la Caisse.

Le taux de succès de la Caisse dans les «Valeurs à court terme» est impeccable, les gestionnaires ayant immanquablement battu l'indice de référence année après année.

Du côté du gigantesque portefeuille d'obligations géré par la Caisse, on y frise également la perfection: 15 années victorieuses sur 16 pour les gestionnaires de la Caisse.

Même succès avec les «Placements privés», où la comparaison ne porte toutefois que sur les cinq dernières années.

Comme on sait, la Caisse gère un immense portefeuille «Immeubles». Là aussi, la Caisse y connaît un succès monstre puisqu'au cours des 16 dernières années, ses gestionnaires ont remporté la victoire à 13 reprises sur l'indice sectoriel de référence. Au sujet du portefeuille «Dettes immobilières», les gestionnaires ont enregistré 10 victoires contre six défaites.

Un coup d'oeil maintenant aux portefeuilles d'actions. Les gestionnaires de la Caisse s'en tirent avec les honneurs de la guerre dans le secteur des actions canadiennes: 11 années victorieuses sur une possibilité de 16.

Là où ça se gâte quelque peu, c'est avec les portefeuilles d'actions étrangères.

Prenons les actions américaines. Les gestionnaires de la Caisse se sont fait damer le pion par l'indice de référence (S&P 500) à neuf reprises sur 16. Même chose ou presque avec le portefeuille d'actions des marchés en émergence: sept défaites sur 13 années.

Avec le portefeuille d'actions européennes et asiatiques, les gestionnaires de la Caisse se contentent d'un match nul, huit victoires, huit défaites aux mains de l'indice de référence.

À la décharge de la Caisse de dépôt et placement du Québec, il est important de rappeler qu'elle gère des sommes colossales dans chacun de ses divers portefeuilles. Gérer un portefeuille de 120 milliards n'a aucune commune mesure avec la gestion de «modestes» portefeuilles de caisses de retraite et de fonds communs de placement dont l'actif varie de quelques centaines de millions à un milliard de dollars.

Comme les gestionnaires des portefeuilles de la Caisse ont été littéralement décriés pour la contre-performance de 2008, la nouvelle direction n'a pas pris de risque cette année. Les gestionnaires sont restés fort prudents dans leurs stratégies de placement. Conséquemment, la performance de la Caisse en 2009 risque d'être décevante par rapport aux indices de référence.

Quand on gère une institution comme la Caisse de dépôt et de placement, on est payé pour prendre des risques et battre les indices de référence. Si ses déposants (RRQ, régimes de retraite des employés de l'État, Commission de la construction, Société de l'assurance automobile, etc.) désirent se contenter de la performance des indices de référence, tant pis pour eux!