L'Australie vient de le faire pour la troisième fois. Le Vietnam est le premier pays asiatique à passer aux actes. L'Inde succombera sous peu. Même l'Europe s'y prépare. Les taux d'intérêt montent ici et là. Et notre tour viendra.

Un bond de 10% du prix des maisons en pleine crise financière mondiale; une croissance prévue de 3,5% de l'économie dès l'an prochain; les exportations en hausse de 5% en septembre...

Avec un portrait économique aussi enviable, pas surprenant que l'Australie ait encore relevé ses taux d'intérêt mardi dernier, un troisième tour de vis en trois mois qui porte le taux directeur à 3,75%.

L'économie australienne a fortement surpris par sa résistance cette année. Le pays des kangourous a continué à gambader même quand le monde s'enfonçait dans la récession.

Certes, les Australiens sont bénis des dieux, leur proximité avec la Chine contribuant à soutenir la demande pour les abondantes matières premières du pays. Mais comme la reprise économique a pris naissance en Asie, un resserrement des conditions monétaires était à prévoir dans ce coin du monde. Et ce mouvement s'étend graduellement.

Le Vietnam et l'Inde

À preuve, le Vietnam, un autre pays qui étonne par la vigueur de son économie, a haussé les taux d'intérêt d'un point de pourcentage la semaine dernière (à 8%). C'est le premier pays en Asie à fermer ainsi le robinet.

Le prochain gros domino qui pourrait tomber, c'est l'Inde. L'économie indienne a progressé de 7,9% au deuxième trimestre (taux annuel), soit bien mieux que les prévisions des experts, a-t-on appris lundi dernier.

L'Inde a traversé la tempête financière en misant sur la demande intérieure, alimentée par de faibles taux d'intérêt et des mesures de soutien à la consommation. Et ça marche.

Si bien, en fait, que la firme Goldman Sachs prédit que cette poussée obligera la banque centrale indienne à remonter les taux, même si on n'attend pas de changement avant janvier ou février, le temps pour les autorités de vérifier que la reprise est bien enclenchée.

L'Europe ensuite?

Et voilà que la Banque centrale européenne (BCE) brandit à son tour un drapeau rouge.

Après avoir sagement laissé le taux directeur inchangé à 1%, jeudi dernier, le président de la BCE, Jean-Claude Trichet, a dévoilé son jeu: il mettra un terme aux opérations de refinancement sur un an auprès des banques - l'une des mesures les plus spectaculaires mises en place pour lutter contre la crise.

La dernière transaction, qui sera proposée le 16 décembre, «sera la dernière», a confirmé le Français. Rien de dramatique encore. Mais cette décision aura pour effet de réduire le flux de fonds qui alimente le système financier en milliards de liquidités.

Même la Fed (Réserve fédérale), pourtant aux prises avec une économie américaine très fragile, a commencé le même jour à «tester» des mesures de retrait de liquidités dans le système financier. Un geste timide, hésitant. La Fed a mis son gros orteil à l'eau. Mais cela en dit long sur ses intentions.

De toute évidence, les autorités monétaires préparent l'après-crise et veulent éviter que le rebond économique ne s'accompagne de tensions inflationnistes.

Les marchés financiers ont sursauté en apprenant ces nouvelles jeudi. On a du mal à intégrer l'idée de la fin des mesures non conventionnelles de soutien à l'égard du secteur bancaire. Les investisseurs ressentent ainsi l'appréhension du convalescent qui doit apprendre à vivre sans aide médicale après une longue maladie.

Pour leur part, les consommateurs ne devraient pas s'alarmer. Pas encore, du moins. La fin annoncée des mesures exceptionnelles à l'égard des banques ne signifie pas pour autant que les taux d'intérêt sont à la veille de grimper. Des deux côtés de l'Atlantique, les banques centrales ne veulent pas risquer de mettre en danger une reprise encore hésitante. Une hausse de taux n'est pas pour demain chez nous, disent les économistes, même si elle viendra un jour.

Il reste que la fête de la liquidité à tout-va tire à sa fin. Pour le moment, c'est «bar ouvert» pour les banques et les acteurs financiers. Mais, comme on dit à Wall Street, «quelqu'un va bientôt retirer le bol à punch».