Les boomers, c'est-à-dire les personnes âgées de 45 à 64 ans, ne sont pas à l'aise avec les nouvelles technologies, résistent aux changements, et acceptent mal la diversité culturelle. C'est du moins la perception qu'en ont leurs jeunes collègues de travail.

Les travailleurs de la génération X (de 30 à 44 ans) sont cyniques, égoïstes et acceptent mal d'être dirigés. Telle est l'image qu'ils projettent auprès des boomers et de leurs collègues plus jeunes.

Enfin, les 18-29 ans, c'est-à-dire les jeunes de la génération Y, sont perçus par les deux autres groupes comme paresseux, ingérables et opportunistes.

Ces préjugés largement répandus peuvent avoir un impact négatif sur la productivité de l'entreprise, selon une intéressante étude publiée hier par le Conference Board du Canada. Le document de 62 pages présente une synthèse des nombreuses études réalisées sur le sujet depuis quelques années. Il est accompagné d'un sondage réalisé auprès de 900 travailleurs canadiens représentant les trois groupes d'âge 1.

Les préjugés intergénérationnels contribuent à entretenir la méfiance et les frictions à l'intérieur d'une entreprise. Tout le monde y perd: les employés travaillent dans un climat malsain, et ont tendance à être moins enthousiastes au travail, et donc moins productifs.

Or, si ces préjugés existent bel et bien, le document montre qu'ils sont largement injustifiés. En effet, face à une situation ou un problème particulier en milieu de travail, les boomers, la génération X et la génération Y partagent à peu près les mêmes comportements. Cela peut sembler surprenant au premier coup d'oeil: comment peut-on s'attendre à ce qu'un jeune de 19 ans et un vétéran de 64 ans réagissent de la même façon?

Il y a certes de petites différences, mais dans l'ensemble, la similitude des réponses est éloquente:

> Lorsqu'on leur demande s'ils pourraient s'adapter rapidement à une nouvelle situation en milieu de travail (changement d'affectation, nouveau patron, introduction d'une nouvelle méthodologie), 74% des boomers répondent oui, contre 78% des X et 77% des Y.

> Chez ceux qui ont déjà vécu des changements, 50% des boomers se disent à l'aise avec leur nouvelle situation, contre 46% des X et 47% des Y.

> Lorsqu'ils doivent s'exprimer (en réunion, en groupe de travail, avec un collègue de travail), 68% des boomers affirment prendre la peine de bien peser leurs mots, contre 63% des X et 61% des Y.

> Dans leur travail quotidien, 87% des boomers affirment accorder une grande attention aux détails, contre 81% pour les X et 79% pour les Y.

> Que pensent les répondants de la grammaire et de l'orthographe au travail? Pour 88% des boomers, c'est «important»; 83% des X et 85% des Y pensent la même chose.

> «Il m'arrive, mine de rien, de me pointer dans le bureau du patron lorsque j'ai un point important à discuter.» Sur ce comportement, c'est la parfaite unanimité: 63% des boomers, 63% des X et 63% des Y sont d'accord avec l'affirmation!

Ces six exemples ne constituent qu'un maigre échantillon. Le sondage du Conference Board couvre pas moins de 61 situations. Certes, on trouve un certain nombre de cas où apparaissent d'importantes divergences:

> Seulement 18% des boomers aiment avoir des activités sociales avec leurs collègues du bureau, en dehors des heures de travail, contre 32% des X et 39% des Y.

> Les boomers sont seulement 19% à apprécier que leur travail soit revu par quelqu'un d'autre; cette proportion passe à 30% chez les X et 44% chez les Y.

Ce sont là des exceptions. Dans la très vaste majorité des cas, les trois générations sont sur la même longueur d'onde, pensent et réagissent de la même façon, beaucoup plus en tout cas que ne le laissent supposer les préjugés. En ce sens, à un moment où les entreprises canadiennes ont besoin plus que jamais d'enregistrer des gains de productivité, la recherche du Conference Board apporte certainement une contribution majeure au dossier.

(1) Le document (disponible en anglais seulement) peut être téléchargé gratuitement, mais, pour cela, il faut être abonné à la bibliothèque en ligne (e-library) du Conference Board. Pour s'inscrire (c'est également gratuit), il faut se rendre sur la page d'accueil (www.conferenceboard.ca) et suivre les indications.