Ça me dépasse. Comment une PME québécoise peut-elle être assez bonne pour desservir les États-Unis tout en se faisant bouder (ou niaiser) par le gouvernement de la «belle» province où est implantée son usine?

C'est le cas d'AAER, le seul manufacturier canadien qui fabrique des éoliennes de 1 mégawatt et plus au Canada. Et comble d'ironie, l'usine est située à Bromont, dans le comté libéral de Pierre Paradis, non loin de celui du premier ministre Jean Charest. Pas fort le patriotisme libéral!

Il y a une semaine et demie, AAER a procédé à une mise à pied temporaire de 34 employés, question de préserver le capital qui lui reste, pour assurer sa survie durant la saison d'hiver. La société traverse actuellement un épineux problème de liquidité, faute de pouvoir convaincre les banquiers de lui octroyer une solide marge de crédit.

En dépit de ses pépins financiers, la direction d'AAER croit tout de même être en mesure de pouvoir respecter l'échéancier de fabrication et d'installation des éoliennes de son carnet de commandes.

Comment AAER pourrait-elle régler son problème de marge de crédit?

Un, elle pourrait procéder à une nouvelle émission d'actions. Le hic: le cours actuel d'AAER (AAE: 13 cents) est tellement faible que l'entreprise se diluerait beaucoup trop pour pouvoir récolter une poignée de quelques millions de dollars.

Deux, elle pourrait se dénicher un gros partenaire financier, soit le Fonds de solidarité de la FTQ ou Fondaction de la CSN... Après tout, n'est-il pas dans le mandat de ces fonds de travailleurs d'investir du capital de risque dans les PME québécoises. Le problème? Au prix dérisoire de l'action d'AAER, cela laisse présager qu'un tel partenaire financier viendrait prendre le contrôle de l'entreprise pour un investissement dérisoire.

Il existe une troisième solution, nettement plus efficace. Que le gouvernement Charest cesse de faire languir AAER à propos du projet de parc éolien de 100 mégawatts à Saint-Maxime-du-Mont-Louis, en Gaspésie. Le projet mis sur pied par l'entreprise Northland Power, s'il reçoit le feu vert du gouvernement, permettrait à AAER de décrocher un contrat de fabrication d'une soixantaine de turbines éoliennes.

Avec en poche un tel contrat de l'ordre de 120 millions de dollars, AAER serait sans doute en mesure d'avoir, cette fois, le pouvoir de se négocier une généreuse marge de crédit.

À la direction d'AAER on croise les doigts. Mais cela fait tellement longtemps que le dossier gaspésien, lui dit-on, «avance» dans le labyrinthe gouvernemental, que c'en est devenu exaspérant.

Dave Gagnon, président et chef de la direction d'AAER: «J'ai souvent entendu dire que nul n'est prophète dans son pays. Malheureusement ce vieil adage semble être bien trop vrai. J'aurais cru qu'avec le discours vert des instances gouvernementales, nous aurions un petit coup de pouce de leur part avec tout le travail déjà accompli. Nous sommes toujours en attente. Mais il y a une limite à notre capacité d'attendre», a-t-il déclaré à La Presse Affaires à propos de l'énorme difficulté de son entreprise à décrocher un premier contrat de la part du gouvernement du Québec et d'Hydro-Québec.

Heureusement pour AAER, elle peut compter sur les projets américains d'énergie éolienne pour décrocher des contrats et faire travailler ses employés.

«Le «stimulus package» du président américain, ajoute Éric Phaneuf, chef de la direction financière d'AAER, semble porter fruit avec des garanties de prêts, des crédits de taxes, du financement, du fédéral et des avantages de relocalisation pour les entreprises spécialisées dans l'énergie renouvelable du côté des États américains.

Jusqu'à ce jour, 100% des ventes d'éoliennes d'AAER ont été effectuées sur le marché américain, notamment dans les villes de Templeton, Ipswich, Tehachapi, Postmouth, Barstow, etc.

Une lueur d'espoir... canadienne: «Nous sommes sollicités par plusieurs autres provinces.»

À preuve, Leader Resources Services a commandé une éolienne de 1,65 mégawatt pour la municipalité ontarienne Tiverton. Cette éolienne d'AAER servira de banc d'essai pour les nombreux projets éoliens que la société Leader entend réaliser en Ontario.

Un petit coup de vent du Québec avec ça?