Marc-André Bergeron a donné la frousse à bien du monde lors de son premier match dans l'uniforme du Canadien.

La tonitruante mise en échec que lui a servie Colby Armstrong lors de la partie de mardi contre les Thrashers était déjà pénible à voir. Mais ce n'était rien à côté de la réaction du nouveau défenseur du CH, qui s'est relevé difficilement et a dû s'appuyer sur la bande pour retrouver tant bien que mal son équilibre. Ses jambes flageolantes laissaient présager le pire.

À TSN, qui diffusait la rencontre, le deuxième entracte a été presque entièrement consacré au coup à la tête encaissé par Bergeron. Les trois invités, dont l'ex-joueur Matthew Barnaby, s'entendaient pour dire que Bergeron aurait dû prendre congé pour le reste de la soirée. Barnaby sait de quoi il parle: sa carrière a été écourtée par de multiples commotions cérébrales.

À l'entraînement, hier à Brossard, Bergeron a répété qu'il n'avait pas subi de commotion. «J'ai été étourdi, mais j'étais correct. Ça m'a pris une dizaine de secondes pour reprendre mes esprits.»

Il n'y a pas de raison de douter de la parole de Bergeron, qui semblait en pleine forme hier midi. «C'est vrai que les commotions cérébrales sont une cause de blessures sérieuses dans la Ligue nationale. Mais je n'ai pas eu de commotion hier (mardi). J'en ai eu une à ma première année chez les professionnels, à Hamilton, il y a neuf ans. Je sais ce que c'est. C'est une blessure à prendre au sérieux. On ne peut pas jouer avec une commotion cérébrale: on a le goût de vomir et on est étourdi.»

Bergeron assure qu'il aurait retraité au vestiaire s'il avait été vraiment mal en point. «Je n'ai pas continué le match parce que je voulais jouer au dur, c'est vraiment parce que j'étais correct. J'ai envie de me rappeler mes enfants et ma famille. Ce matin, je suis très correct. Je suis heureux parce que c'était toute une mise en échec, la pire que j'ai subie dans toute ma carrière depuis les rangs bantam.»

Il ne fait pas de doute que des progrès énormes ont été accomplis depuis une dizaine d'années dans la LNH dans le dépistage des commotions cérébrales. Pas sûr qu'un médecin laisserait aujourd'hui Maurice Richard retourner sur la glace, les yeux vitreux, comme la fois où le Rocket avait battu Sugar Jim Henry lors des séries de 1952.

Mais la culture machiste des sports de contact - le football comme le hockey - n'est pas entièrement disparue, loin de là. Des joueurs continuent régulièrement de mettre leur santé en péril en tentant de faire fi de violents traumatismes à la tête. Rappelez-vous le retour hâtif de Martin Havlat lors de la finale de l'Association de l'Ouest, le printemps dernier. Deux jours à peine après avoir été mis au tapis par Niklas Kronwall, des Red Wings, l'attaquant des Hawks était revenu au jeu dans le quatrième match de la série - qu'il n'a pas terminé, victime d'une dure mise en échec de Brad Stuart.

L'ancien hockeyeur Mark Messier a lancé cette année le «Messier Project», en collaboration avec la compagnie Cascade, qui fabrique un nouveau type de casque censé absorber des chocs plus violents que ceux utilisés actuellement. Sur le site internet du projet, on rapporte qu'au moins 759 joueurs de la LNH auraient reçu un diagnostic de commotion cérébrale depuis 1997. Un chiffre effarant, quand on sait que des études réalisées auprès d'anciens joueurs de la NFL tendent à démontrer que les commotions multiples sont associées à l'apparition précoce, chez certains joueurs, de troubles cognitifs comme la maladie d'Alzheimer.

La technologie peut sûrement contribuer à réduire le risque de commotions cérébrales et à éviter que des carrières soient inutilement écourtées, comme cela a entre autres été le cas pour Eric Lindros, Mike Richter et Pat LaFontaine.

Mais les joueurs sont souvent leurs pires ennemis. S'ils manifestaient un peu plus de respect les uns envers les autres et évitaient les coups inutiles à la tête, la fréquence des traumatismes crâniens diminuerait forcément. Colby Armstrong, qui avait passé le K.-O. à Saku Koivu sur un jeu presque identique, en 2007, n'est pas exactement un modèle pour la jeunesse.

Bergeron ne pense pas que la mise en échec d'Armstrong était illégale.

«Mais il est arrivé dans mon angle mort, avec une erre d'aller incroyable. Il aurait peut-être pu me donner un répit quand il a vu que j'étais dans une position vulnérable, a-t-il dit. Il n'était pas obligé d'essayer de me casser le cou.»