En décrochant un de ses plus gros contrats, Bombardier Transport avait toutes les raisons de sabler le champagne hier. La multinationale québécoise empochera 2 milliards pour la construction de 80 trains à grande vitesse Zefiro qui desserviront la Chine. La livraison des 1120 voitures s'échelonnera de 2012 à 2014: le gouvernement chinois ne perd pas de temps!

On ne peut que se réjouir de ce coup d'éclat de Bombardier. Le carnet de commandes de sa division ferroviaire fera ainsi contrepoids au ralentissement de son secteur aéronautique.

 

Mais, en même temps, ce projet gigantesque d'implantation d'un réseau ferroviaire d'avant-garde en Chine nous renvoie en plein visage notre échec de réaliser un projet de TGV dans le couloir Québec-Windsor.

Quel paradoxe quand même: le Canada demeure les bras croisés pendant qu'un de ses plus grands fleurons industriels, Bombardier, fournit des trains à la fine pointe de la technologie aux quatre coins du monde.

Depuis plus d'un quart de siècle, le Canada lambine et tergiverse avec le dossier du TGV qui a maintes fois été reporté aux calendes grecques.

En janvier 2008, les premiers ministres Jean Charest et Dalton McGuinty, de l'Ontario, ont relancé le projet Québec-Windsor en donnant le feu vert à la mise à jour d'études de faisabilité qui devait être complétée en 12 mois. Presque deux ans plus tard, on attend toujours les résultats des analyses de la firme Dessau. De son côté, dans un avis sollicité par le maire Régis Labeaume, la Société nationale des chemins de fer affirme que le couloir Québec-Windsor serait aussi rentable que certaines lignes françaises.

Le chef libéral Michael Ignatieff se dit favorable à un TGV, mais seulement entre Québec et Toronto dans un premier temps, ce à quoi M. Charest s'oppose avec véhémence.

Et le gouvernement Harper dans tout ça? Motus et bouche cousue. Il est dommage qu'il n'ait pas profité du vaste programme de relance économique qu'il a lancé il y a quelques mois pour investir à fond de train dans ce projet. Bien sûr, il en coûterait plus de 20 milliards pour réaliser ce vieux rêve. Mais le Canada, dont la dette par habitant est la plus basse des pays industrialisés, a les moyens de financer une telle aventure, malgré la hausse substantielle de son déficit. Le gouvernement conservateur redorerait du même coup son image écolo en contribuant à la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Pendant ce temps, l'Europe jouit depuis longtemps d'un système ferroviaire rapide et efficace. Aux États-Unis, le président Barack Obama a dévoilé en avril dernier un plan de 8 à 13 milliards qui prévoit la mise en service de 10 réseaux de trains à grande vitesse.

De toute évidence, ce n'est pas demain la veille qu'on pourra effectuer le trajet Montréal-Québec en 1h13 ou Montréal-Toronto en 2h18... Il serait grand temps qu'on se dépêche de moderniser notre réseau ferroviaire aux allures tiers-mondistes.