Les nouvelles projections du ministre canadien des Finances, Jim Flaherty, révèlent que le déficit sera plus élevé que prévu cette année et que le Canada restera dans le rouge plus longtemps, au moins jusqu'en 2015.

Et qu'est-ce que le gouvernement conservateur entend mettre en oeuvre pour revenir au déficit zéro ? Absolument rien. Quel est son plan ? En fait, il n'y a pas de plan. Le ministre compte surtout sur la relance. Pour le reste, il se borne à prévenir qu'il sera probablement nécessaire de faire éventuellement quelque chose.

 

Cette intervention financière du gouvernement Harper était très préparée. Le ministre prononçait un important discours à Victoria, qui coïncidait avec la publication de sa «mise à jour des projections économiques et financières». Mais quel est exactement le message que voulaient transmettre les conservateurs, dans ce contexte préélectoral ?

Oublions le caractère exagérément partisan de cette«mise à jour», un document financier formel où l'on se serait attendu à plus de retenue. Le ministre va jusqu'à y affirmer que c'est parce que son gouvernement «a réagi promptement et de façon audacieuse» que «le recul de l'économie canadienne a été beaucoup moins prononcé que celui qu'ont connu à peu près toutes les autres grandes économies industrialisées» Merci, M. Flaherty !

Selon le document, le déficit de cette année, prévu initialement à 33,7 milliards dans le budget de janvier dernier, revu à 50 milliards, sera plutôt de 55,9 milliards. Cela n'a rien d'étonnant ou de scandaleux. La récession a été plus forte que ne pensaient les spécialistes. Il sera difficile de reprocher au ministre des erreurs de prévision auxquelles personne n'a échappé sur la planète. Ce qui est plus inquiétant, c'est que les déficits resteront élevés plus longtemps et que l'équilibre budgétaire ne sera retrouvé qu'en 2015, plutôt qu'en 2013.

Que fera le gouvernement Harper ? D'abord, à court terme, poursuivre son plan d'action économique et ses importantes dépenses de relance. C'est la chose à faire, pour ne pas entraver une reprise qui pourrait être compromise sans le soutien de l'État.

Par la suite, le gouvernement compte sur trois facteurs pour revenir à l'équilibre. D'abord, le fait que ses dépenses vont baisser quand son plan de relance sera complété. Ensuite, la réduction naturelle de certains déboursés gonflés par la récession, comme l'assurance emploi. Enfin, la hausse des revenus fiscaux quand la croissance s'installera. Voilà pourquoi le gouvernement n'a ni l'intention de toucher aux paiements aux citoyens, ni de couper les transferts aux provinces, ni d'augmenter les impôts pour équilibrer ses livres.

La seule intervention envisagée est hypothétique. « Le moment venu, a dit le ministre dans son discours - lorsque notre plan d'action économique aura été mis en oeuvre, que la reprise sera bien ancrée et que les prévisions du secteur privé seront plus certaines - nous déterminerons dans quelle mesure il faudra freiner l'augmentation des dépenses afin d'équilibrer le budget. « Bref, on fera peut-être quelque chose, un jour, si nécessaire. Mais on ne dit ni quand, ni quoi, ni combien.

Est-ce que cela aidera les troupes de M. Harper à marquer des points dans ce contexte préélectoral ? Les conservateurs, qui accusent les libéraux de vouloir augmenter les impôts, leur fournissent sur un plateau d'argent des données qui permettent de conclure que le recours à cette impopulaire mesure ne sera pas nécessaire.

Et surtout, le ministre essaie de dire en même temps que la situation est acceptable et sous contrôle, pour qu'on ne l'accuse pas d'avoir mal géré les finances publiques, tout en affirmant que la situation est sérieuse, pour convaincre que seuls les conservateurs ont ce qu'il faut pour gérer les finances en période de crise. Quel étrange message.