Alors que le reste de la planète s'interroge sur la solidité de la reprise, la locomotive chinoise accélère: de 6,1% au début 2009, l'économie en Chine croît maintenant à un taux de 8,5% et franchira bientôt le seuil des 10%. Si bien que les autorités doivent ralentir la machine pour éviter la surchauffe.

Le chiffre est simplement renversant: pour la première fois de l'histoire, la Chine a produit en juillet plus de 50 millions de tonnes d'acier. C'est cinq fois plus qu'il y a dix ans et plus que toute la production des États-Unis, du Japon, de l'Inde et de la Russie... réunis.

Avec 51 millions de tonnes sorties de ses fourneaux en un mois, «la Chine représente désormais presque 50% de la production mondiale», souligne la World Steel Association dans un rapport publié la semaine dernière.

Et il n'y a pas que l'acier. La production de ciment en Chine représente aussi la moitié de la coulée mondiale et huit fois celle de son principal concurrent, l'Inde.

Or, le Dragon chinois a les yeux plus grands que la panse. La capacité en ciment est excédentaire de près de 300 millions de tonnes - une quantité suffisante pour «refaire les joints» de la Grande Muraille, diraient certains maçons.

Mais, avec l'euphorie actuelle en Chine, cela n'est pas suffisant: plus de 200 cimenteries sont actuellement en construction, ce qui pourrait se traduire par l'ajout de 200 millions de tonnes supplémentaires, a indiqué un responsable du ministère de l'Industrie à l'agence AFP.

Bref, l'industrie lourde chinoise roule à tombeau ouvert.

Coup de frein

En pleine récession mondiale, le gouvernement a donc décidé de prendre des mesures pour diminuer la surcapacité du secteur industriel.

Selon l'agence officielle Chine Nouvelle, Pékin prévoit limiter les prêts et les allocations de terrains afin de réduire les constructions dans la production d'acier et de ciment, mais aussi de verre, de produits chimiques, de silicone et même d'énergie éolienne.

Les autorités réalisent maintenant que les 4000 milliards de yuans (700 milliards CAN) du plan de relance - destinés surtout aux infrastructures du pays - risquent de créer des bulles et d'attiser l'inflation.

«Non seulement les secteurs ayant traditionnellement des problèmes de surcapacité, comme l'acier et le ciment, croissent toujours sans limites, mais certains nouveaux domaines montrent désormais aussi des signes de redondance», écrit le gouvernement sur son site internet.

Un frein au crédit

Qui plus est, les consommateurs chinois ont pris goût au crédit avec un grand «C» - un effet, cette fois, des mesures incitatives à la consommation du gouvernement. Or, l'encours des prêts accordés par les banques aux particuliers progresse, en rythme annualisé, de 34%. Une croissance étourdissante.

Aussi, le régulateur bancaire vient de sonner l'alarme et envisage de durcir les conditions du crédit. Cela pourrait aboutir, selon Barclays Capital, à diviser par trois la progression du crédit, aux environs de 12%.

Concrètement, la Chine veut modifier les règles concernant les besoins en capitaux des banques nationales. Des mesures qui pourraient à terme réduire le crédit, alors que les nouveaux prêts ont atteint 7370 milliards de yuans (1200 milliards CAN) au premier semestre, un record.

En freinant son allure, la Chine veut donc limiter les risques de surchauffe, lesquels inquiètent de plus en plus les investisseurs. Depuis le début du mois d'août, la Bourse de Shanghai a en effet chuté de 16%. Une petite pause, certes, après la poussée spéculative de 87% de la Bourse durant les sept premiers mois de 2009, mais qui témoigne d'un malaise.

Alors que certains pays du globe se débattent encore pour sortir de la récession, l'économie chinoise accélère, avec une croissance de 7,9% au deuxième trimestre contre 6,1% au premier. Et celle-ci atteindra les 8,5% au troisième trimestre, vient d'annoncer le Centre d'information d'État, un centre de recherche public.

D'ores et déjà, des économistes estiment que le retour à une croissance de 10% est à peu près assuré au début de 2010.

Spéculation, crédit facile, surcapacité... les ferments d'une nouvelle bulle sont donc réunis en Chine. Une conduite maîtrisée de la grosse locomotive asiatique est donc souhaitable, surtout après le dérapage américain des dernières années. La dernière chose dont Pékin et le reste du monde ont besoin, c'est d'un autre déraillement.