Avec le chômage croissant dans les pays riches, des milliers d'expatriés perdent leur emploi et, donc, envoient moins d'argent à la maison. Une perte énorme pour leurs proches.

Les douaniers de Tijuana, postés à la frontière entre le Mexique et la Californie, ne connaissent pas la récession, du moins au travail.

Débordé, le personnel voit passer un nombre accru d'Américains qui viennent profiter des aubaines dans les magasins mexicains. Diverses sources indiquent aussi que les douaniers mexicains doivent contrôler un trafic croissant de leurs compatriotes qui quittent les États-Unis pour rentrer à la maison... pour de bon.

 

Avec la récession qui sévit en Californie, il n'y a plus de travail pour les Mexicains. L'eldorado des expatriés - le secteur de la construction - est terminé, et il y a peu de boulot dans un État où le taux de chômage frôle les 12%.

De nouvelles données confirment d'ailleurs que la crise s'aggrave pour cette main-d'oeuvre vulnérable.

Le nombre de personnes qui entrent légalement aux États-Unis en provenance du Mexique a chuté de 40% depuis 2006 pour glisser à 350 000 par an en moyenne, selon le Pew Hispanic Center, un groupe de recherche de Washington.

Et bien qu'on dispose de peu de données officielles, de moins en moins de personnes tentent d'entrer illégalement en territoire américain - le phénomène est dans un creux jamais vu depuis 1973, selon le Financial Times. La récession est donc la plus efficace des murailles le long du Rio Grande.

Pas de travail, pas d'argent

Or, la crise économique a un effet similaire partout sur la planète.

En Asie, la récession a renvoyé des milliers de travailleurs chez eux. Du Bangladesh au Vietnam en passant par les Philippines, les autorités signalent une baisse marquée du nombre de travailleurs qui partent à l'étranger.

Par exemple, 251 000 travailleurs ont quitté le Bangladesh de janvier à juin, soit une chute de 50% en un an, affirme l'agence AFP, qui cite des chiffres gouvernementaux.

Même phénomène en Amérique latine: le tiers des travailleurs originaires de la région qui sont encore aux États-Unis songe à rentrer au bercail, selon un sondage d'Inter-American Dialogue (IAD), un groupe de réflexion de Washington. Cela se compare à un taux de 20% l'an dernier.

La crise économique touche directement les expatriés, mais également leurs proches. Les transferts de fonds de la plupart des émigrés du monde vers leur pays d'origine sont en forte baisse, constate la Banque mondiale.

Après avoir augmenté de 15% en 2008, les envois de fonds des émigrés vers les pays en voie de développement devraient baisser de 7,3% en 2009 à 304 milliardsUS, écrit l'organisme dans un récent rapport.

Ces transferts, vitaux pour le développement de certains pays et destinés surtout aux familles des travailleurs, pourraient baisser de 10% si la crise se prolonge, avance la Banque. Autrement dit, le manque à gagner pour les proches pourrait atteindre les 32 milliardsUS.

En Amérique latine, on s'attend au pire: la somme d'argent que les expatriés envoient chez eux devrait chuter de 11% cette année, à 62 milliardsUS, selon l'IAD. Cela signifie qu'environ quatre millions de personnes recevront moins d'argent de leurs amis et parents qui vivent à l'étranger, évalue le Wall Street Journal.

Contrôles renforcés

Les sommes envoyées diminuent d'autant plus que les contrôles migratoires sont renforcés dans plusieurs pays.

Selon la Banque mondiale, les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, la Russie, l'Afrique du Sud, l'Italie, l'Espagne et l'Inde «ont réduit leurs quotas annuels (de travailleurs immigrés) ou imposé des normes plus strictes» en ce qui les concerne.

L'organisme estime que l'Inde (avec 52,0 milliardsUS en 2008), la Chine (40,6 milliardsUS) et le Mexique (26,3 milliardsUS) sont les trois premiers bénéficiaires de transferts de fonds en provenance de leur diaspora.

Pour certains pays, la contribution des expatriés est absolument primordiale. Au Tadjikistan, par exemple, ces fonds contribuent à 46% du produit intérieur brut. C'est donc près de la moitié de l'économie locale qui en dépend.

Les récessions touchent tout le monde, on le sait. Mais, avec la mondialisation et la mobilité accrue de la main-d'oeuvre, le choc est plus violent. Les démunis vivent une situation «particulièrement difficile» aujourd'hui, nous rappelle la Banque mondiale.