Au cours des dernières années, des dizaines de milliers d'investisseurs canadiens ont perdu des sommes colossales aux mains des filous de la finance, tels les Vincent Lacroix, Earl Jones, Allen Standford et autres émules de Bernard Madoff.

Si vous êtes au nombre des victimes de ces véreux conseillers financiers, vous pourriez peut-être alléger vos pertes en récupérant notamment les impôts que vous avez payés sur ce qui s'avère aujourd'hui comme de faux revenus.

Prenons le stratagème pyramidal à la Charles Ponzi, lequel stratagème permet au conseiller fraudeur de verser à ses clients des faux revenus de placement tirés des sommes... réinvesties par les investisseurs eux-mêmes. Dans les faits, les investissements des clients ne rapportent aucun revenu de placement. Et un beau jour, ils s'aperçoivent que l'argent investi est momentanément disparu en grande partie ou carrément dilapidé.

Non seulement les victimes perdent-elles leur capital d'investissement, mais en plus, nombre d'entre elles s'aperçoivent qu'elles ont déclaré à l'impôt de faux revenus de placement.

Prenons également le cas des victimes de Vincent Lacroix. Pendant que les clients investissaient dans les fonds communs gérés par Lacroix, celui-ci puisait à pleines mains dans les coffres. On va convenir que les revenus de placement supposément générés par ces fonds étaient pour le moins gonflés artificiellement jusqu'au jour où le scandale a éclaté. En effet, l'éclatement du scandale a permis de découvrir qu'il manquait environ 115 millions de dollars dans les coffres des fonds Norbourg.

Si, bon an mal an, vous avez déclaré des revenus de placement à partir des faux relevés que vous faisaient parvenir les firmes des conseillers fraudeurs, vous avez donc payé des impôts sur des revenus... inexistants.

Par conséquent, il serait logique de réclamer à Revenu Canada et Revenu Québec le remboursement des impôts que vous avez versés sur ces faux revenus de placement lors des années antérieures.

Le ministre fédéral du revenu, Jean-Pierre Blackburn, annonçait la semaine dernière que le gouvernement canadien comptait consentir des allégements fiscaux aux victimes de crimes financiers. Il entend, disait-il, utiliser le pouvoir discrétionnaire que lui confère la loi pour permettre, notamment aux présumées victimes de l'affaire Earl Jones, d'éviter de payer des intérêts et des pénalités, tout en étalant le paiement de leurs impôts.

«On va analyser chacun des dossiers pour vérifier à quelles modalités de paiement on peut en arriver avec ces personnes en fonction de leur réalité financière, a-t-il déclaré à ma collègue Malorie Beauchemin. Je vais utiliser mon pouvoir ministériel, pour faire en sorte de ne pas pénaliser les gens.»

Le ministre Blackburn a ainsi sorti de son chapeau les vieilles dispositions d'allégement qui existent depuis longtemps. En effet, le ministre de l'Agence du revenu du Canada peut annuler les intérêts et pénalités chargés sur des paiements en souffrance en raison de circonstances jugées exceptionnelles, tels un accident, une maladie grave, une catastrophe naturelle, un incendie, une grève des postes, etc.

Le ministre Blackburn a toutefois tenu à ajouter: «Ce qui est important, c'est que ce qui est dû à l'État, on doit le recouvrer. Mais on a le droit de tenir compte du fait qu'il est arrivé une situation incontrôlable, où une personne a perdu tout son avoir à brûle-pourpoint.»

Pour être logique, cette déclaration du ministre fédéral du Revenu laisse présager d'autre part que l'État devrait rembourser aux contribuables ce qui ne lui est pas dû, notamment les impôts qu'ils auraient payés sur des faux revenus de placement que leur ont attribués les conseillers financiers fraudeurs.

C'est une lectrice, Christiane P, qui a attiré mon attention sur la «grandeur d'âme» du ministre Blackburn d'accorder certains allègements aux victimes des filous de la finance.

«Je ne suis pas une victime d'Earl Jones ou d'un autre conseiller crapuleux et je ne connais pas une de leurs victimes. Toutefois, je me pose la question suivante. Une personne qui a investi 100 000$ auprès d'une de ces crapules a, au fil des années, reçu des T5/Relevé 3 (ou autre genre de relevés) qui lui laissaient entendre qu'elle avait fait des gains (intérêts, dividendes, gains en capital, etc.) sur la somme investie. Cette personne a payé de l'impôt sur ces montants. Or, puisqu'il s'agissait d'un schéma de Ponzi et que les sommes n'étaient pas investies, la personne concernée n'a, en effet, que récupéré une partie de son capital initial investi. Donc, dans les faits, cette personne a été imposée sur un montant qui n'était en fait que du brassage de son argent d'une poche à l'autre. Et tous les relevés T5/Relevés 3 étaient des faux. Mais elle a quand même payé de l'impôt. Si la fraude est démontrée, il me semble que ce serait au gouvernement de rouvrir ses livres et rembourser tous ces contribuables pour ces impôts payés sur des montants qui n'étaient pas du revenu. Que pensez-vous de cela?»

Mme Christiane P. a totalement raison de suggérer cette éventuelle récupération des impôts versés à Revenu Canada et Revenu Québec sur des faux revenus de placement. Évidemment, on fait référence ici aux revenus de placement attribués aux victimes dans leurs portefeuilles hors REER.

Ce sera alors une belle occasion pour les ministres du Revenu de démontrer que le régime fiscal est équitable.

Concernant les victimes dont les placements étaient détenus à l'intérieur des REER, alors là, il n'y a pas d'impôt à récupérer puisque les faux revenus « s'accumulaient » à l'abri de l'impôt!

Appelé à commenter cette question de remboursement des impôts payés par les victimes des filous financiers sur des faux revenus de placement, le bureau de Revenu Canada à Montréal m'a fait savoir qu'il était trop tôt, selon eux, pour discuter de cette possibilité. Revenu Canada suit l'évolution des divers scandales financiers de concert avec Revenu Québec.

À suivre...