Un dépliant envoyé par le Parti conservateur dans les circonscriptions bloquistes a suscité de vives critiques. Au Bloc, on l'a qualifié de «torchon démagogique et grossier». Avec raison.

Le dépliant en question accuse les députés du BQ d'avoir voté «contre la protection des enfants» et de préférer des «sentences bonbons» contre les criminels qui s'en prennent aux enfants. Les conservateurs font là référence au projet de loi C-268. Ce texte propose une peine minimale de cinq ans d'emprisonnement pour une personne reconnue coupable de traite d'enfants. Présenté par une députée conservatrice, le projet de loi a reçu l'appui des libéraux et du NPD; le Bloc a voté contre. Selon le porte-parole bloquiste en matière de Sécurité publique, Serge Ménard, il vaut mieux laisser aux juges la latitude d'imposer la sentence appropriée à chaque cas, un point de vue parfaitement légitime qui n'équivaut d'aucune façon à «voter contre la protection des enfants.»

 

Oui, ce dépliant est un «torchon démagogique». Les bloquistes sont toutefois mal placés pour jouer les vierges offensées, eux qui ont passé la dernière campagne électorale à accuser les conservateurs de vouloir envoyer des enfants en prison.

Rappelons les faits. Stephen Harper avait suggéré que les jeunes contrevenants coupables de crimes violents soient automatiquement soumis à des peines pour adultes. On pouvait être d'accord ou non avec l'idée - nous y étions opposés - mais on ne pouvait pas prétendre que M. Harper rêvait d'envoyer de la «jeune chair en prison». C'est pourtant ce qu'a soutenu Gilles Duceppe, négligeant de dire que les jeunes seraient détenus, comme c'est le cas aujourd'hui, dans des lieux de garde pour adolescents, passant aussi sous silence le fait que le projet conservateur prévoyait une exception pour le Québec.

Le chef bloquiste a également accusé les conservateurs de faire partie de la «même gang» que les républicains de George W. Bush «qui laissent derrière eux la désolation économique et le feu et le sang dans le monde.» Chacun son torchon.

Le problème, ce n'est pas que les conservateurs apprécient la publicité négative, mais notre culture politique qui carbure au simplisme et à l'insulte. Quand la chef du PQ, Pauline Marois, qualifie Clément Gignac de traître parce que le nouveau député libéral a brièvement travaillé au ministère fédéral des Finances, elle franchit allégrement la frontière de la démagogie. Quand le premier ministre, Jean Charest, prétend que sa vis-à-vis «souhaite du tort aux citoyens du Québec pour faire avancer la cause de la souveraineté», il fait de même.

On aimerait croire, comme Talleyrand, que «tout ce qui est exagéré est insignifiant». De toute évidence, nos politiciens pensent le contraire. «Il faut lever le ton pour s'assurer qu'on parle des vraies affaires», s'est déjà défendu le libéral Denis Coderre. On ne peut s'empêcher de sourire quand on l'entend aujourd'hui déplorer le contenu du dépliant conservateur, soutenant qu'«il y a un niveau où il ne faut pas aller». Vraiment, M. Coderre?

Les politiciens sont convaincus de l'efficacité de la démagogie. C'est aux électeurs de leur prouver qu'ils ont tort.