Jean Bédard travaille fort ces jours-ci pour organiser un combat d'unification entre Lucian Bute et l'Anglais Carl Froch. Mais s'il se concrétise, cet affrontement entre les titulaires des ceintures IBF et WBC des super-moyens ne pourra avoir lieu à Montréal.

Plusieurs obstacles se dressent en effet sur le chemin d'InterBox, dont l'un irrite particulièrement Bédard, le grand manitou du groupe de promotion: les frais de sanction exigés par la Régie des alcools, des courses et des jeux (RACJ), qu'il juge démesurés.J'y ai fait allusion dans mon texte sur les relations entre InterBox et le Groupe Yvon Michel (GYM), dimanche. Pour chaque manifestation, les promoteurs de sports de combat doivent verser à la RACJ des redevances totalisant 5% de leurs recettes aux guichets et 3% de leurs revenus de télé, jusqu'à un maximum de 130 000$.

Une somme suffisante, selon Bédard, pour constituer un obstacle significatif dans les négociations sur la scène internationale, car elle est beaucoup plus élevée que dans la plupart des autres territoires. Las Vegas est une rare exception, mais les combats y sont présentés par des casinos qui récupèrent leur mise aux tables de jeu. Quant à New York, par exemple, il en coûte à peine 2500$ pour un gala au Madison Square Garden!

Les frais de sanction élevés rendent les promoteurs d'ici peu compétitifs par rapport à leurs homologues américains et européens, soutient Bédard. «Je n'ai pas de pouvoir par rapport à Froch, parce qu'on n'a pas le même modèle de taxation qu'en Angleterre. C'est dur de négocier d'égal à égal. Alors si le combat a lieu, ce sera chez lui.

«Plus tu as du succès, plus tu es pénalisé, ajoute Bédard. Je reçois les mêmes services de la Régie - arbitres, juges, etc. - qu'un organisateur de gala de kick-boxing à Victoriaville, mais ça me coûte beaucoup plus cher.»

La RACJ rétorque qu'elle ne fait qu'appliquer la réglementation en vigueur et que de toute façon, elle a perdu près d'un demi-million avec les galas de sports de combat au cours des six dernières années. «On charge ce que prévoit le règlement, mais les coûts de nos officiels et les coûts de transport sont plus élevés», dit le porte-parole de la Régie, Réjean Thériault.

InterBox s'est allié avec GYM pour réclamer des modifications réglementaires. «Jusqu'ici, ça nous avait fait perdre de l'argent, sans vraiment nous nuire. Mais on est rendus à un niveau de compétition où c'est une préoccupation, dit le PDG de GYM, Yvon Michel. C'est aberrant. Si un combat, qui a lieu ailleurs dans le monde, est présenté au Québec en pay-per-view, il n'y a pas de frais. Mais un promoteur d'ici doit payer jusqu'à 75 000$! Pire que ça: si tu fais une entente de partage des revenus avec Indigo, eux ne paient rien sur leurs recettes alors que nous, on doit payer notre pourcentage! On fait le show, on s'occupe de tout et c'est nous qui sommes pénalisés!»

Au début de mars, les deux hommes ont rencontré le chef de cabinet du ministre de la Sécurité publique, Jacques Dupuis. Les résultats se font toujours attendre. Ce n'est guère surprenant: pour un politicien, aider financièrement le sport professionnel est rarement une mesure populaire. À fortiori s'il s'agit de boxe, un sport qui traîne une réputation sulfureuse.

InterBox et GYM ont toutefois grandement contribué à l'assainissement des moeurs autrefois douteuses de leur sport. À l'heure où son gouvernement contribue financièrement à l'agrandissement du stade des Alouettes et se montre ouvert à une aide similaire pour l'Impact, M. Dupuis devrait en toute justice tendre l'oreille aux demandes qui lui ont été faites par le monde de la boxe au lieu de laisser le dossier dormir dans la filière 13.

Tout le monde sera perdant si les grands combats se mettent à échapper à Montréal. Les boxeurs locaux comme Lucian Bute, Jean Pascal et Adrian Diaconu, leurs promoteurs et les amateurs de boxe d'ici, bien sûr. Mais aussi la division des sports de combat de la Régie. Les galas de kick-boxing à Victo, on me dit que ce n'est pas très payant.

Hennessy à Montréal?

Les discussions entre InterBox et le promoteur de Carl Froch, Mick Hennessy, pourraient avancer cette semaine. Selon mes espions, Hennessy devrait en effet assister au gala de vendredi, au Centre Bell. Ça lui donnera l'occasion de revoir Jean Pascal, qui avait vendu chèrement sa peau contre Froch, en décembre dernier, à Nottingham.