Pour un médecin, Yves Bolduc vit plutôt dangereusement.

Tous les toubibs vous le diront: le stress, à trop forte dose, est extrêmement néfaste pour le corps et l'esprit. Et du stress, le ministre de la Santé en a eu une triple dose cette semaine.

Par moments, au cours des derniers jours, on avait l'impression que le Dr Bolduc était sur le point de défaillir tellement la pression était forte.

 

Après un tel épisode, la question se pose (et elle est sur toutes les lèvres dans les milieux de la santé et de la politique): Yves Bolduc a-t-il la couenne assez dure pour diriger cet épuisant ministère?

Lorsqu'on a un grave problème de santé, la dernière chose dont on a besoin, c'est de sentir que son médecin panique, qu'il ne sait plus comment réagir. À plus forte raison, lorsque toute une population est inquiète, elle ne peut être rassurée si le patron des médecins est lui-même dépassé par les événements.

À la lumière de sa performance des derniers jours, on peut se demander comment réagirait Yves Bolduc en cas de crise grave, un nouveau SRAS ou une grippe porcine, par exemple. Ou même comment il survivra à la saga du CHUM, un chapelet de crises que l'on égrène depuis une bonne décennie.

À l'Assemblée nationale, le député adéquiste Éric Caire n'a pas mis de gants blancs pour affirmer: «Yves Bolduc n'a pas les capacités pour occuper le poste de ministre de la Santé.»

La charge était violente - mettez cela sur le compte de l'effervescence typique des fins de session parlementaire - mais il se trouve, dans le réseau de la santé, quelques détracteurs tout aussi sévères envers M. Bolduc.

Il serait toutefois faux de dire que le ministre a perdu la confiance du milieu puisqu'il compte aussi des alliés sincères.

Une série d'entrevues faites ces derniers jours et une vilaine fracture à un doigt qui m'oblige à fréquenter le CHUM depuis quelques semaines (excellents soins, j'insiste pour le dire) m'ont permis de constater que le ministre Bolduc recueille plus de sympathie que de condamnations.

Tout le monde s'entend sur une chose: ministre de la Santé au Québec, c'est un des pires jobs, juste après celui d'entraîneur du Canadien! Et, comme pour les discussions enflammées et les débats sur l'ordre des trios dans le Canadien, l'affaire des tests de cancer du sein a pris de proportions surréalistes, estime-t-on généralement dans le milieu.

Avant de crucifier le Dr Bolduc, la plupart des gens à qui j'ai parlé sont prêts à lui donner une autre chance.

C'est le cas notamment du Dr Paul Perrotte, président du conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) du CHUM.

«Pour le dossier du CHUM, il nous a écoutés et il a pris les bonnes décisions, qui ont peut-être enfin permis de débloquer, dit le Dr Perrotte. Pour le CHUM, je lui donne A. Pour le reste, les urgences par exemple, il a un job difficile et il ne fait pas pire que les autres.»

Voilà qui résume assez fidèlement le sentiment répandu chez les partisans de la deuxième chance. D'autres, par contre, sont beaucoup moins indulgents.

«Ça prend un gestionnaire hors pair à la tête de ce ministère, ce que n'est pas Yves Bolduc, tranche un acteur important du monde de la santé sous le couvert de l'anonymat. C'est comme si on avait catapulté un midget au poste de directeur général d'une équipe de la Ligue nationale. Une équipe qui a plein de problèmes, en plus.»

Les détracteurs du Dr Bolduc lui reprochent son manque d'écoute, son manque d'expérience et une certaine suffisance.

«Il commence ses interventions par: «Je le sais, je suis médecin» et il les finit par: «C'est moi le ministre.» On ne peut pas discuter avec un gars comme ça», ajoute une autre source du milieu.

L'affaire des tests du cancer du sein a fait beaucoup de bruit depuis 10 jours, mais pour ses opposants, le ministre Bolduc était déjà en observation depuis un an.

Tout a commencé quelques jours après sa nomination, lorsqu'il a congédié l'ancien directeur du CHUM, Denis Roy, une décision cavalière et intempestive, selon certains.

Puis les fuites et les tergiversations entourant le projet du CHUM ont accentué l'exaspération, qui a culminé par la volte-face du ministre sur le service d'ophtalmologie, en mars. Ce service devait fonctionner en centre médical spécialisé associé, à l'extérieur du CHUM, mais il a finalement été réintégré, au grand mécontentement des ophtalmologistes.

«Ce dossier-là a été un gros pavé dans la mare, avoue le Dr Perrotte. Le ministre a réagi à minuit moins une et cela a créé beaucoup de remous.»

Il faut dire, à la décharge du ministre Bolduc, que le milieu de la santé, en particulier le milieu médical, est réputé impitoyable envers son ministre.

Dès son arrivée, Yves Bolduc s'est attiré critiques et railleries dans le réseau à cause de ses références à la «méthode Toyota», parce qu'il vient d'une région et non de Montréal ou parce qu'il est omnipraticien et non pas spécialiste.

Il faut dire aussi que M. Bolduc a dû chausser les souliers de Philippe Couillard, recordman de longévité à ce poste casse-gueule et modèle de calme et de contrôle. Nécessairement, on compare.

Pour survivre à ce poste, Yves Bolduc devra apprendre à gérer les crises - et son stress. En attendant, il trouvera peut-être un peu de réconfort du côté de Nietzsche, qui disait que tout ce qui ne nous tue pas nous rend plus fort.

Pour joindre notre chroniqueur: vincent.marissal@lapresse.ca