Statistique Canada nous annonçait hier que l'économie canadienne a créé 36 000 emplois en avril. Le Québec mène la marche avec 22 000 emplois. Ces chiffres mensuels apportent un répit plus que bienvenu dans un marché profondément déprimé.

En effet, si on examine comment la situation du marché du travail a évolué au cours des six derniers mois, on constate que la récession a créé une authentique hécatombe. Pendant cette période, c'est-à-dire entre octobre 2008 et avril 2009, pas moins de 321 000 emplois ont été supprimés au pays. Au total, cela signifie que le Canada a perdu près de 2% de ses emplois. C'est énorme.

 

Or, la tornade ne s'est pas abattue partout avec la même intensité. Les différences régionales sont tellement importantes qu'elles ont entraîné des bouleversements qu'aucun expert n'aurait pu prévoir. Le taux de chômage est aujourd'hui plus élevé à Calgary qu'à Québec. Et à Toronto, la proportion de chômeurs rejoint maintenant celle de Montréal. Qui l'eût cru?

C'est évidemment l'Ontario, qui a subi de plein fouet la crise de l'automobile, qui a le plus souffert. En octobre dernier, la province voisine comptait 471 000 chômeurs; ils sont aujourd'hui 621 000. Autrement dit, un Ontarien sur 36 a perdu son emploi. Tout citoyen ontarien a de bonnes chances de connaître dans son entourage un parent ou un ami qui s'est retrouvé au chômage au cours des six derniers mois. Dans certaines villes ontariennes, le taux de chômage atteint des niveaux pénibles: 13,6% à Windsor, 10,5% à St.Catharines-Niagara, 10,1% à Kitchener, 9,5% à London.

Historiquement, le taux de chômage en Ontario a toujours été inférieur à celui du Québec. Ce n'est plus vrai. Aujourd'hui, l'Ontario compte 8,7% de chômeurs, contre 8,4% pour le Québec.

Ce renversement de situation ne s'explique pas seulement par les malheurs qui se sont abattus sur l'Ontario, mais aussi parce que le Québec a été relativement épargné par la récession.

Pendant que l'Ontario perdait 174 000 emplois, le Québec en perdait 32 000. Certes, on peut toujours dire que c'est 32 000 de trop; derrière la froideur des statistiques se profilent souvent d'épouvantables drames humains. N'empêche: quand on considère l'ampleur de la récession et les terribles dégâts qu'elle a causés, on peut toujours se consoler. Parce qu'il est à peu près absent du secteur automobile, parce qu'il a entrepris un vaste programme de réfection de ses infrastructures, parce qu'il a été largement à l'abri de la bulle immobilière, le Québec a réussi jusqu'à maintenant à limiter les dommages. Au total, seulement un Québécois sur 125 a perdu son emploi depuis le début de la récession. Ce n'est pas drôle, mais c'est tout de même infiniment moins démoralisant qu'en Ontario.

Les deux autres grandes victimes de la récession, ce sont l'Alberta et la Colombie-Britannique.

L'économie albertaine est étroitement liée aux prix du pétrole et du gaz. C'est une économie en dents de scie. Quand les prix montent, tout va bien, l'argent rentre, les emplois se créent par milliers, les prix de l'immobilier s'envolent. Quand les prix baissent, la bulle éclate. C'est exactement ce qui se passe en Alberta.

Toujours au cours des six derniers mois, l'économie albertaine a supprimé 42 000 emplois. Un sur 48. Pas aussi grave qu'en Ontario, mais pas loin. Un chiffre parle de lui-même: en six mois, le taux de chômage albertain est passé de 3,7 à 6%. Et la province n'a pas fini de souffrir. Attirés par les emplois et la prospérité, des milliers de ménages des autres provinces se sont établis en Alberta: en 2007 et en 2008, la population active a bondi de 135 000 personnes. Or, depuis six mois, la population active a arrêté de progresser. Déçus et sans travail, les ménages attirés par le boom albertain retournent chez eux.

Le cas de la Colombie-Britannique n'est pas plus encourageant. À elle seule, cette province fournit les trois quarts des exportations canadiennes de bois-d'oeuvre aux États-Unis. C'est, de loin, le principal produit d'exportation de la province. Or, le marché américain de la construction résidentielle est pratiquement au point mort. Toujours depuis octobre, la province a perdu 52 000 emplois, un sur 45.

Deux provinces, la Saskatchewan et le Manitoba, réussissent à faire mieux que le Québec. Mais ce sont des poids plume: chacune ne représente que 3% de l'économie canadienne. En revanche, parmi les quatre grandes provinces, qui représentent ensemble 87% de la taille de l'économie canadienne, c'est clairement le Québec qui parvient le mieux à surnager au milieu de la pire tourmente des 70 dernières années.