Baisse des primes de risque sur la dette, multiplication des emprunts des entreprises, spéculation sur les devises et les taux d'intérêt... La haute finance retrouve enfin le goût d'oser.

L'humeur des grands investisseurs s'améliore. Jeudi, l'agence Bloomberg révélait que son indice de la confiance des gestionnaires de fonds avait bondi à un sommet de 11 mois.

 

Cet indice, tiré d'un sondage auprès de 1500 professionnels du placement à travers le monde, est passé de 5,95, en mars, à 21,2 en avril - sa plus forte hausse depuis que cette enquête a été lancée en novembre 2007.

On est encore loin du niveau jugé «positif» de 50, mais la confiance s'accroît au fil des nouvelles encourageantes.

À Wall Street, d'où origine la tempête financière, Citigroup, Goldman Sachs et JP Morgan et d'autres viennent d'annoncer des résultats au vert ou meilleurs que prévu.

Les États-Unis, faut-il aussi rappeler, ont mis en place un plan de rachat des actifs toxiques des banques, et le G20 a donné des résultats concrets. Dans ce contexte, les craintes s'estompent: en témoigne le fort rebond des Bourses, qui fait les manchettes ces temps-ci.

Les taux baissent

Or un autre phénomène, plus discret mais peut-être plus significatif, suscite l'espoir dans les milieux financiers: la prime de risque sur les emprunts interbancaires diminue rapidement.

Cela est reflété dans le Libor - un taux repère, fixé à Londres, auquel les banques se prêtent de l'argent. Ce taux à trois mois est descendu à 1,10%, vendredi, contre 1,32% il y a un mois et 1,42% au début janvier. Ce repli est important. Car si le Libor diminue, c'est signe que les banques ne se regardent plus en chiens de faïence.

«Il n'y a pas si longtemps, la préoccupation était de savoir si la banque avec qui vous faisiez affaire allait être en vie dans trois mois», affirme Ira Jersey, analyste chez RBC Capital, à New York. «Maintenant, cette crainte a été mise de côté. Le Libor va continuer à baisser.»

Souvenons-nous que les banques ont graduellement cessé de se prêter entre elles en août 2007, au moment où la crise du subprime a transformé des milliards de prêts à risque, détenus par les institutions financières, en papier sans valeur. Les marchés du crédit ont même figé après la faillite du courtier Lehman Brothers, en septembre dernier.

Puis ce fut l'hécatombe: plus de 60 banques américaines ont fermé leurs portes et les radiations d'actifs des banques mondiales ont atteint 1300 milliards US jusqu'ici, selon Bloomberg.

Mais les mauvaises nouvelles sont de moins en moins nombreuses. Si bien que les grandes entreprises, moins frileuses, multiplient les émissions obligataires.

Selon Thomson Reuters, les émissions mondiales de dette non financière ont atteint 322 milliards US au premier trimestre, soit le double du record d'il y a deux ans. Autrement dit, les entreprises cherchent de plus en plus à emprunter pour réaliser certains projets... et elles trouvent de l'argent.

L'argent circule

Même les bons vieux «carry trades» sont de retour, souligne Goldman Sachs dans une récente note financière.

Un carry trade est une opération de portage, qui consiste à profiter du différentiel des taux d'intérêt dans différents pays.

Chaque jour, des investisseurs empruntent des milliards dans des pays où les taux sont les plus bas ou près de zéro, comme aux États-Unis et au Japon. Puis ils réinvestissent le tout dans les pays où les rendements des actifs financiers sont élevés, notamment au Brésil où le rendement des bons du Trésor peut atteindre 12%.

Pas besoin d'un doctorat en finance pour comprendre que ces opérations spéculatives sont simples et payantes. Mais lorsque la crise financière a éclaté, les devises des pays à risque - en Amérique latine et en Asie surtout - ont chuté brusquement. Les risques de change ont alors grimpé en flèche et les opérations de portage ont fortement diminué, le danger de perdre une fortune étant devenu trop grand.

Bref, la tempête passe et on revient peu à peu à la normale. Les investisseurs retrouvent enfin le goût du risque, quoique la confiance demeure fragile.

Car l'économie mondiale est mal en point et, à l'extérieur des parquets boursiers, on ne voit guère d'embellie dans les magasins ou les usines. Voici comment le Crédit Suisse, dans une récente étude, résume la situation: «La bonne humeur revient à Wall Street. Mais il faudra du temps avant qu'elle s'installe sur Main Street.»