Encore une fois, tout bouge très vite autour de Barack Obama. À quelques jours de l'ouverture du 5e Sommet des Amériques où la seule nation absente, Cuba, monopolisera probablement toute l'attention, le président des États-Unis a annoncé ses couleurs. Hier, la Maison-Blanche a en effet annoncé qu'elle lèverait les restrictions touchant les déplacements et les envois de fonds effectués par les Cubano-Américains vers leur pays d'origine.

Il s'agit d'un important geste d'ouverture de Washington à l'endroit du régime castriste, qui vient après la période glaciaire que cette relation a connue sous George W. Bush.

La logique sous-tendant cette décision veut qu'un grand afflux de ressources allant directement aux familles cubaines contribuera à alléger leur dépendance à l'endroit de l'État. En fait, d'autres restrictions pourraient aussi être assouplies. Cependant, il n'est actuellement pas question de lever l'embargo décrété par les États-Unis, il y a 47 ans. Officiellement, tout comme celles qui l'ont précédée depuis les années 60, l'administration Obama maintient l'exigence d'une libéralisation du régime avant de renoncer à ce moyen de pression... qui s'est avéré parfaitement inefficace, il faut bien le constater.

Selon Amnistie Internationale, une soixantaine de prisonniers politiques sont toujours détenus à Cuba. Ayant de facto succédé à son frère en 2006, Raul Castro n'a pas enclenché de réformes fondamentales, consentant seulement de maigres ouvertures économiques «à la chinoise».

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Les temps changent néanmoins.

Et, nonobstant ce qui se passe à La Havane, une ouverture de la part des Cubains existe bel et bien... en Floride, où vivent les deux tiers des 1,3 million de Cubano-Américains - et où Obama a gagné ses élections en novembre 2008.

La principale organisation des exilés cubains, la Cuban American National Foundation, vient en effet de jeter sa politique historique d'affrontement avec la mère-patrie pour suggérer à Washington d'ouvrir ses relations avec le peuple cubain. C'est ce peuple qui «changera les choses à Cuba», explique le président de la CANF, Francisco J. Hernandez (un vétéran de la baie des Cochons). L'organisme ne suggère pas la levée de l'embargo, mais le considère désormais comme «symbolique» et «sans grande importance».

C'est, en clair, un constat d'échec.

On connaît l'influence qu'a toujours exercé le lobby cubain sur la politique de Washington. De sorte qu'on peut voir là un revirement qui, combiné à l'approche globale d'ouverture prônée par Barack Obama en matière de relations internationales (sans parler du cheminement du Congrès dans ce dossier), laisse entrevoir de profonds changements.

Précisément, le 5e Sommet des Amériques, dont certaines activités débutent aujourd'hui à Trinidad-et-Tobago, sera l'occasion de sentir le vent. Cuba n'y est pas représenté, on l'a dit. Mais le président vénézuélien Hugo Chavez, qui a rencontré les frères Castro au cours des derniers jours, servira sans doute d'ambassadeur ad hoc... avec toute l'éloquence incendiaire qu'on lui connaît.

Ce sera intéressant. Car c'est au vieux régime cubain qu'une nouvelle politique américaine d'ouverture, maintenant qu'elle s'enclenche, apparaîtra peut-être dangereuse, presque effrayante.